DOSSIER 'SCAILLET'

Dans le courant de l'année 2016, une famille de la descendance de Henri Scaillet nous a contacté et nous a confié leurs archives et photos issues du périple de leur aïeul en Chine entre 1905 et 1912. Cela nous a permis d'établir le parallèle et même de l'intégration entre notre connaissance de l'époque et ces nouvelles archives répertoriées comme  "collection Scalliet -Watrin" .

NB Scaillet s'écrit de différentes manières, notamment Scalliet

 

Ne perdons de vue que si une colonie composée de ressortissants belges s'est établie en 1906 dans le lointain Gansu, c'est à l'initiative de Paul Splingaerd et non d'un autre intervenant majeur tel que Léopold II de Belgique qui lui avait même fermé sa porte lors de son retour en Belgique. Paul Splingaerd n'était évidemment pas seul pour ce projet: il était supporté par le gouvernement provincial chinois qui financerait les réalisations avec l'accord de l'Empereur

 

Sauf contre-indication, les photos de cette page proviennent des archives Scaillet-Watrin

Le célèbre mandarin étant décédé au moment où il devait présenter au viceroy les trois premiers techniciens qu'il avait ramené avec lui de Belgique - à savoir Robert Geerts, chimiste et enseignant, Jean-Jacques Muller, ingénieur textile, Lucien Tysebaert, ingénieur mécanicien - son fils aîné Alphonse, élève interprète à la légation de Belgique à Pékin, se chargea de reprendre la responsabilité qu'avait acceptée son père et se lia avec le gouvernement du Gansu par un contrat qui était probablement semblable à celui de son père. Fin 1907, Alphonse Splingaerd vint s'installer avec sa famille à Lanzhou accompagné de deux nouvels intervenants destinés à la sidérurgie: Henri Zéphir Scaillet et Guillaume Coutelier. Le manager, l'ingénieur Albert De Decken, arrivera un peu plus tard.

Enfin, pour terminer le tableau, rappelons-nous que Jean-Jacques Muller est retourné en Belgique pour commander du matériel et recruter des techniciens capables de rétablir l'usine de draps et de la faire fonctionner. Ils étaient cinq et leur traducteur fut Stanislas Lin-Splingaerd. En 1909, Muller épousa la soeur d'Alphonse, Pauline. Enfin, rappelons également que Robert Geerts était accompagné de sa soeur et de son neveu Lucien: ils sont omniprésents dans le dossier photographique Scaillet car Denise Dugardin, la femme d'Henri Scaillet, leur était proche, d'autant qu'elles n'étaient que deux femmes européennes à Lanzhou.


from dossier Muller

Cette page n'est pas destinée à tracer la biographie de Henri Scaillet mais il faut savoir qu'il était né à Antwerpen (12 janvier 1883) et qu'il avait fait son service militaire en Belgique à partir de 1903 à la suite de quoi il s'était porté volontaire pour un terme de trois ans comme garde de la légation de Belgique à Pékin. Sur la photo précédente, on le voit en uniforme et accompagné de sa future, Denise et son basset, ainsi que Guillaume Coutelier que venait de terminer son terme et était donc en civil.

Dès son arrivée en Chine, Denise Dugardin aura eu l'occasion immédiatement d'avoir des contacts avec les gardes de la légation et épousa Henri Scaillet (9 septembre 1907).

Sur ces entrefaits, encore à Pékin en fin de l'été 1907, Alphonse Splingaerd qui devait engager d'après son contrat deux ouvriers pour s'occuper de la sidérurgie du cuivre et de l'or, proposa à Scaillet et à Coutelier qui terminaient leur service de trois ans comme garde de la légation de l'accompagner dans le Gansu, avec un contrat signé par le gouvernement du Gansu. On ignore pourquoi Alphonse ne fit pas venir des spécialistes d'Europe pour ces deux postes (il le fera plus tard). Ils étaient sûrement ouvriers polyvalents et commencaient à se débrouiller en mandarin mais certains de la colonie se poseront des questions à ce sujet. Ce fut peine perdue car Scaillet était un réel mécanicien qui rendit beaucoup de services; il connaissait bien le fonctionnement des machines. C'est ainsi que Coutelier, Scaillet et Denise se joingnirent à la caravane d'Alphonse qui arriva à Lanzhou le 4 décembre 1907. Une nouvelle aventure commençait pour tous.

Contenu du 'dossier Scaillet-Watrin'

Il contient les photos privées de Henri et de Denise dont seulement une partie sera publiée ici mais également une collection extrêmement riche de photos d'origine inconnue de la Chine de la fin de l'Empire - on y voit même les obsèques de l'empereur Guangsu (1908) ainsi que des monuments innombrables qui n'existent peut-être plus aujourd'hui. Nous n'en publierons pas car les pages que vous lisez ne sont pas protégées et les propriétaires actuels ne souhaite pas les placer sur le web. On y trouve également de la correspondance avec la famille, avec le R.P. Van Dyck, avec Coutelier, avec Tysebaert, avec Splingaerd, avec des collègues, avec Vahrenkampf, avec un ecclesiatique nommé de Menard, avec le ministère, etc. Il y a des documents de voyage, des affiches, des menus, etc. Des cartes de visite chinoises (carton rouge). Mais la pièce extraordinaire est le contrat chinois, à voir plus bas ainsi que de menus objets de bureau (cachets) et une éprouvette du cuivre sorti en droite ligne de la fondrerie de cuivre de Yao-Kai.

 

LE CONTRAT DE HENRI SCAILLET

Votre serviteur tenant les treize pages consécutives du contrat (photo de l'auteur 2016)

Ce document est aussi bien conservé que celui de Emile Nique [contrat Nique] et signé d'ailleurs par le même fonctionnaire qui est Peng qui était trésorier et ministre des affaires étrangères. Les autres signatures sont celles d'Alphonse Splingaerd, Lin A De, et celle de Henri Scaillet précédée de son nom en chinois qui se prononce vaguement comme l'indique ci-après cousine Annette. On retrouve celui-ci 14 fois dans le document lorsque l'on prend la peine de le lire avec patience. Attention: le document se lit de droite à gauche et de haut en bas! Avis aux amateurs!

 

Pour voir le contrat dans son intégralité, cliquer

contrat scaillet integral

 

Ce document si judicieusement conservé est très important à nos yeux mais est loin d'être le seul qui nous permette de reconstituer l'époque et l'environnement social dans lequel Paul Splingaerd et son fils avaient plongé tous les protagonistes que nous avons déjà présentés longuement dans les dizaines de pages précédemment éditées dans le cadre des activités des Belges de la colonie de Lanzhou. Un des documents très précieux est la lettre écrite en français hésitant écrite par Alphonse Splingaerd qui nous apprend incidemment que tout ces gens ne vivaient pas au même endroit et surtout que le couple Scaillet-Dugardin avait eu un enfant nommé Suzanne malheureusement décédé. Cette lettre est du 28/08/1908 alors qu'Alphonse et De Decken se trouvaient à T'ai-t'ung (importante mine) et que les Scaillet et Coutelier étaient à Ha-si-tung (ou Ho-si t'an ou encore Hositan) au sud de Kou-lang. Nous n'avons pu localiser ces villages. Ils n'étaient probablement pas éloignés plus de trois à cinq jours de voyage l'un de l'autre. Comme nous le dit Frochisse, Ha-si-tung était le premier site métallurgique implanté dans la partie orientale des Monts Richthofen. C'est donc plus tard que les compères se retrouvèrent plus au sud, à Yao-Kai, ville d'environ 30000 âmes qui se caractérisait par son gisement houillé réputé un des plus riches du monde datant de l'époque Ming. La ville se trouvait sur la rive gauche de la rivière Ta-t'ong-ho. Les localisations restent imprécises: on se trouvait dans le couloir de l'Hexi qui mène à Suzhou vers le nord-ouest (ancienne route de la soie).


photo de l'auteur

lettre alphonse

Un petit souvenir du cuivre du Gansu et le début de la lettre d'Alphonse d'août 1908. Cliquer pour voir la lettre en haute définition.

On constate qu'Alphonse Splingaerd savait se débrouiller en français mais on comprend qu'il n'était que 'élève interprète' à la légation alors que l'on sait que tout le personnel consulaire et la correspondance se faisait en français.

姚凱 yao kai

aujourd'hui Yaojie ( 窑街 )

Sur cette photo archi-connue, on constate que Scaillet et Coutelier étaient invités au mariage de Muller et de Pauline Splingaerd; ils se trouvent au bout à gauche successivement, avant Geerts. Le personnage qui suit n'a pas été identifié. Au dos de cette photo qui a du être un peu remastérisée, se trouve la dédicace.

Les Muller trois ans plus tard avant leur retours en Europe

 

Il y a tout lieu de penser que Scaillet et Coutelier sont restés assez longtemps à Lanzhou avant de partir vers les montagnes comme l'attestent les photos, car on attendait le matériel et les machines. A gauche, on voit Henri, Denise et Guillaume qui s'amusent avec le jeune Lucien Geerts tandis qu'Alphonse réfléchi à ses problèmes. Il s'agit du site de la filature.

 

 

 


Ces deux images viennent du dossier Muller

Coutelier fumant sa pipe devant un des pavillons destinés aux Européens en taquinant le chien Mirza. Le site est celui de la filature.

Denise Scaillet eut un enfant à Ha-si-tung qui vint enrichir la colonie; malheureusement, il est décédé très jeune (Suzanne). Alphonse et Anne Colette ont eu sur place leur dernière fille, la mère de la cousine Annette précédemment citée, sa fille Hortense, née en 1909. Malheureusement, à une date indéterminée, Alphonse et sa femme Anne Colette Zhang perdirent leur fille aînée dont le nom est estimé comme étant celui de Pauline. De leur côté, les Muller eurent leur fille Jeanne (vers 1910) dont la postérité est encore survivante aujourd'hui en Belgique.


Très belle photo de Denise Dugardin à la première époque à Lanzhou

Sur la photo précédente, on voit Denise et le bébé que l'on croit être celui de Pauline. Elle est aux côtés de Jean-Jacques Muller et de son frère Alphonse Splingaerd. Les deux autres personnages sont Robert Vahrenkampf et Nicolas Larbanois, tous deux de la filature.

Sur la photo précédente, on constate que Scaillet avait conservé une allure militaire. Sur la suivante, on croit deviner que Scaillet est à pied d'oeuvre avec un personnage qui pourrait être De Decken. On distingue les montagnes dans le lointain et plus près, de la machinerie dont l'utilisation nous échappe.

Sur la photo précédente, probablement prise à Lanzhou, à une date imprécise, on voit successivement le personnage précédemment montré, Madame Denise Scaillet, Mademoiselle Geerts, un prêtre inconnu et Robert Geerts

A la première époque avant qu'il ne parte pour Péking, le jeune Lucien Geerts et Mademoiselle Geerts avec leurs animaux de compagnie

 

En octobre 1911, la révolution éclate et les révolutionnaires proclament la république avec le Dr Sun Yat Sen comme président provisoire. Mais Yuan Shi-Kai qui possède toujours l'armée de Beyang va régler l'avenir de la Chine.

Lors de la débâcle de 1911, nos Belges se retrouvent sans travail et sans toit vu la clôture de leur contrat. Scaillet et Denise qui semblent rester à Yao Kaï où ils travaillent avec les raffineurs espagnol sont expulsés au plus tard le 22 octobre 1911. On sait que les Muller se séparèrent des techniciens de la filature et se réfugièrent dans une mission américaine protestante, non loin de Lanzhou. Un endroit cité comme étant Faitao ou Ti-Taochow. En sus des Muller, on constate la présence de Henri Scaillet et sa femme mais également Robert Vahrenkampf; celui-ci dira adieu aux Scaillet à partir du site minier de Lincheng d'où il envoya une carte postale le 22 avril 1912 à Tientsin (ils étaient sans doute déjà embarqués) tandis que ses collègues de la filature étaient à cette époque à Hong-Kong. Les autres personnages de la photo sont inconnus. La carte de Vahrenkampf est adressée à Mr et Mme Scaillet, "Hôtel de la Paix ou Villa Splingaerd, 52 rue de Paris" à Tientsin.

Si les Scaillet étaient à Yao Kaï le 11 janvier 1910 comme l'atteste une carte postale envoyée par Tysebaert et encore plus tard comme on verra ci-après, on ne sait exactement combien de temps ils y resteront encore. Malgré les troubles occasionnés par les factions révolutionnaires, après avoir voyagé on ne sait dans quelles conditions, on les retrouve à Tientsin en avril 1912 où leur second enfant est né. C'est là qu'ils embarquèrent pour la Belgique.

Quant à Coutelier, il semble qu'il ait quitté le Gansu plus tôt car il écrit à Scaillet (pas Mr et Mme) le 26 octobre 1910 à Yao Kaï qu'il vient de quitter alors qu'il est en chemin vers Pékin arrivé à Si-Ngan-Fou (Xi'an) où il arrive après 22 jours de voyage le 13 novembre (c'est environ la moitié du chemin). Il a constitué une petite caravane car il est accompagné d'une dame qui se nomme T'ang-yang et d'un couple dont l'homme s'appelle Jean. Ces gens nous sont inconnus. Arrivé à Xi'an, ancienne capitale de l'Empire où Paul Splingaerd est décédé, Coutelier devrait être arrivé à Pékin vers le 15 décembre, exactement à la fin de son contrat de trois ans. On se demande pourquoi Scaillet n'a pas fait de même, ayant un contrat signé à une époque semblable.

Depuis ces dates, on n'a plus jamais trouvé de correspondance de Guillaume Coutelier. On connait un peu ses activités ultérieures. Il partit après la guerre s'installer en Auvergne avec une barette de 50 mois de front.

 

MORT POUR LA PATRIE
De retours en Europe, le gendarme maréchal des logis Henri Scaillet fut blessé d'un éclat d'obus dans la tête; il n'est cependant décédé que le 4 juillet 1919 et sa tombe se trouve sur la pelouse du champ d'honneur du cimetière d'Ixelles

 

On ne peut clôturer cette page qui a tendance à conter des évènements qui n'intéressent personne et qui ont eu peu d'influence sur l'avenir de l'humanité sans une note d'espoir. Nous allons l'illustrer avec cette image sympathique de Henri, de Denise, de Guillaume lorsqu'ils étaient très jeunes et plein d'espoir.

collection Scalliet -Watrin

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