LE DOSSIER DOCUMENTAIRE MULLER (version bêta)

 

 

L’origine de ce dossier est le nommé Jean-Jacques Muller, ingénieur textile originaire de Welkenraedt (Belgique) qui a fait deux séjours en Chine (entre 1906 et 1912), à l’instigation de Paul Splingaerd, en vue de réhabiliter une usine abandonnée de traitement de la laine créée par des Allemands quinze années auparavant dans la ville de Lanzhou ( 兰 州 ) , province chinoise du Gansu en Chine continentale aujourd’hui République Populaire de Chine

 

On peut voir ailleurs les photos correspondant à ce dossier

Le dossier documentaire de cette famille est composé de deux parties : d’une part, la partie « affaires industrielles », d’autre part « la partie correspondance privée ». Le dossier photographique est proposé séparément sur d'autres pages du site.

Mon collègue Michel Bedeur se chargera de développer la première partie, en tirera sans doute des conclusions, etc. en la joignant aux archives qu’il a découvertes chez les descendants des autres partenaires de Muller, pour la filature de Lanzhou, en Chine et qui comportent des photos magnifiques qui étoffent les histoires qu’il doit nous conter, ainsi que moi.

Les photos sont déjà publiées en grande partie et nous devons le remercier.

 

C’est dans le cadre de l’union de Muller avec Pauline Splingaerd, de la présence d’Alphonse Splingaerd et de son frère John, dans le cadre de la présence de Vahrenkampf, ingénieur chimiste qui deviendra l’époux de Thérèse Splingaerd que je m’intéresse à ces dossiers car, dans mon ambition de bien apprécier l’action du principal personnage de ces affaires – à savoir Paul Splingaerd – qui est et reste l’origine de la présence belge dans la ville de Lanzhou, reléguant les ambitions du roi Léopold II de Belgique dans le Gansu au plan anecdotique, spécialement à cause de l’incompétence de ses propres agents dans l’Empire du Milieu à cette époque (soit vers la fin de sa vie) ou de considérations réelles. Seul, Paul Splingaerd a montré que faute d'être en mesure de construire des ponts ou des lignes de chemin de fer, il était possible de laisser l'empreinte de la Belgique dans ce coin perdu de la terre tout en faisant connaître l'expertise de nos ingénieurs et de leur efficacité.


Le mandarin Paul Splingaerd, vêtu à l'européenne, quelques mois avant son décès (1906). Album Pauline Splingaerd

 

Mais, il en est mort de maladie et d’épuisement. Et il fut oublié des Chinois et des Belges à cause de la révolution chinoise de 1911 et de la guerre en Europe de 1914 qui se préparait depuis plus de cinq ou six ans.

Pendant cette période, des entreprises comme la Fabrique Nationale d’Armes de Herstal (Belgique), Cockerill en Belgique, Krupp en Allemagne, etc., fourbissaient leurs armes et affûtaient leurs canons. Les intérêts économiques des grandes nations devinrent prédominants et il faut croire que des personnalités comme Léopold II de Belgique et d’autres ont compris très vite cet intérêt. Cette situation avait déjà été comprise par les Anglais lors de la guerre de l’Opium dans le milieu du 19 éme siècle. On voulait soumettre le Chine. Mais la Chine est grande. Peu à peu, les Puissances tentèrent de se la partager. D’où les massacres de 1900, avec les Boxers, lesquels n’étaient que les prémices de la révolution de 1911 et de la fin de l’Empire des Manchous Qing. Il fallut dès lors plus de cinquante ans pour que la Chine se réveille avec Mao Zedong ( 泽东 ) mais devient bifide, et encore plus de cinquante ans pour que l’on s’aperçoive que la Chine était la plus grande nation du monde qui sort 4000 ingénieurs des hautes écoles ou des universités tous les mois.

Face à cette déferlante, les 5 ingénieurs qui partirent de la Belgique en 1906 et 1908 pour investir Lanzhou (Muller, Tysebaert, Geerts, De Deken, Vahrenkampf), peuvent paraître peu nombreux mais ils furent les premiers pour créer de l’industrie et de la modernisation dans un pays qui en était industriellement au Moyen-âge, mais qui sera un siècle plus tard, une des villes les plus productives et des plus polluées de Chine.


 

Jean-Jacques Muller dit Mu-Lei (ou Mu-Lai - 穆 赉 )

 

Jean-Jacques Muller, trouvé par Paul Splingaerd pour la réhabilitation de l’ancienne filature de Lanzhou, était un ingénieur du textile employé comme professeur rémunéré par la Ville de Verviers à qui il dû demander des autorisations administratives et des congés pour pouvoir partir vers la Chine. Il existe plusieurs documents de cette nature dans le dossier. On remarque que les différentes demandes de Muller lui ont été toujours accordées sans difficultés apparentes, que ce soit pour son premier voyage ou son second voyage, qui devait être beaucoup plus long dans le temps (3 ans). En 1912, Muller étant revenu en Europe avec sa femme et sa fille dans des circonstances exceptionnelles (via le transsibérien), on ne sait pour l’instant ce qu’il en advint de son statut professionnel et on le retrouvera plus tard établi à Tournai, directeur d’une institution d’enseignement des techniques du textile pendant la guerre, ce qui lui fut fatal en qualité de notable.

A défaut de documentation, à l’heure où nous écrivons, nous ne savons exactement ce qu’il en advint de Tysebaert, de Geerts, et de De Deken (sauf que celui-ci est parti vers le Congo belge). Robert Vahrenkampf est sans doute revenu de Chine en 1911 comme les autres techniciens de la filature, mais pas en même temps. Nous ne savons pas comment il a connu Thérèse Splingaerd sa femme. On les retrouvera plus tard à Zelzate (Belgique) puis Bruxelles. Par contre, Castaigne s’est marié avec Catherine Splingaerd en Chine, du vivant de la veuve du mandarin Catherine Li-Splingaerd, soit avant 1918. Castaigne était ingénieur chimiste et ne semble pas avoir eu des activités à Lanzhou. La veuve du mandarin a continué à vivre avec sa fille Lucie et son beau-fils Albert Paternoster à Tientsin, jusqu’à son décès en 1918. Albert était un des personnages important de la CTET de Tientsin. Le ménage est revenu en Belgique vers 1934. Lucie Splingaerd est décédée à Milano (Italie) le 12/09/1983, près de sa fille et Albert Joseph Corneille Charles François Paternoster est décédé à Bruxelles le 15/11/1962. Bien qu’ils soient restés plus de cinquante années ensemble, ils ne sont pas unis dans la terre pour l’éternité.

Les Paternoster n’ont pas participés à l’action des Belges dans le Gansu ; ils faisaient simplement partie de la famille et sont restés localisés à Tianjin.

 

La localisation de la filature.

 
Photo Bedeur

Cette vue d'artiste semble nous montrer la ville fortifiée de Lanzhou après la construction du pont métallique (Sun Yat Sen) sur le Fleuve Jaune, contruit par les Allemands de Shanghai. Cette oeuvre avait été commandée par Muller ou Tysebaert à des artistes chinois qui avaient mis longtemps pour en arriver à ce résultat. Le dessin devait être réalisé sur soie et il y en a encore aujourd'hui des copies sur papier. On y observe le nouveau pont, les murailles, la cheminée de la filature qui fume, à gauche, la première roue en aval qui avait environ plus de 14 mètres de diamètre, un monument, qui était destiné à la ville et la seconde roue d'exhaure, d'environ 12 mètres de diamètre, qui allait alimenter en eau la filature (?), dont Tysebaert nous parle dans une de ses lettres. Cette représentation est fort figurative et agréable mais se rapproche assez bien de ce que les peintres flamands faisaient au Moyen-Age. La réalité était tout autre comme nous pouvons l'observer sur l'image suivante.


Photo internet anonyme

Cette photo se rapproche évidemment de la réalité. Elle a été prise pendant la construction du nouveau pont allemand et on y voit encore le fameux pont de bateaux. Mais, on observe que les collines sont beacoup plus loin que la vue d'artiste. L'imprécision de la photo ne nous fait pas voir si la zone enmuraillée est urbanisée mais on imagine. On n'y voit pas les roues d'exhaure, plus tardives ou plus en amont. Nous n'avons pas les chiffres, mais à cette époque, la ville comptait sans doute plus de 100.000 habitants d'autant qu'elle était chef-lieu de trois provinces.



Photo Google Map

Comparer ces images. La filature, selon toute vraisemblance, était installée dans le district de Chengguan ( 城关区 ), à Lanzhou. Ce district est totalement urbanisé aujourd’hui et compte plus d’un million d’habitants. Peut-être que 5000 voitures circulent chaque jour là où Muller et sa famille, ou Vahrenkampf, à l’endroit même où ils dormaient tranquillement dans leur lit, il y a un peu plus de 100 ans. Pour une bonne urbanisation, il faut agir comme un bon jardinier : couper les tiges d’un rosier ou d’un hydrangea en temps utile. Quand le poirier est trop vieux, on l’abat. Après 100 ans, l’ancien paysage n’est plus qu’un rêve. On ne peut que reconstruire une identité ancienne, si cela plaît. Mais elle n’existe plus, soyons raisonnable. La réalité ancienne nous aide à concevoir ce que nos ancêtres ont vécus mais on ne peut s’y retrouver aujourd’hui, sauf dans les cathédrales ou la tombe de Toutankhamon.


Une représentation miniature de la ville à l'époque du Pont de bateaux. Origine: Internet

 

Vue d'amateur du pont de bateaux avant la construction du pont métallique. Photo album Pauline.


Ici un extrait d'une des vues précédentes montant un détail de la construction du pont, en parallèle au pont de bateaux, en 1908-1909. Photo internet anonyme

AUTRES INFORMATIONS CONCERNANT LA FILATURE ->

 

Les gens

L’équipe constituée du vivant de Paul Splingaerd s’est modifiée rapidement en moins de deux ans. Le mandarin n’est revenu en Chine qu’avec seulement trois spécialistes : Muller, Tysebaert, Robert Geerts. Albert De Deken, spécialiste de la métallurgie, et Robert Vahrenkampf et les autres techniciens de la filature, ne sont arrivés que plus tard, en 1908. Alphonse Splingaerd, est arrivé à Lanzhou en 1907 avec Coutelier et Scaillet. Lin Ah De, nom chinois d'Alphonse est conseiller en logistique et secrétaire belge de légation à Lanzhou, intermédiaire entre les ministres et autre vice-roi et la légation de Belgique en Chine; il est seul autorisé à assurer les différents transferts d’argent (ou d’or), par contrat, d'acheter des machines, de trouver du personnel, etc.

Pour ce qui concerne la réhabilitation de la filature qui nous intéresse, outre Vahrenkampf dont nous avons déjà parlé, originaire de Verviers et qui s’occupait des teintures en qualité de chimiste, il y a des spécialistes de la filature débauchés sans doute de leur activité en Belgique qui sont les nommés Nicolas Larbanois (poste principal après J-J Muller qui était directeur), d'Ensival et qui gagnait 12000 francs par an, Joseph Cadiat, qui était de Dison, chef mécanicien, Emile Nique, qui était d'Hodimont, chef des apprêts, spécialistes du textile, arrivés en juillet-septembre 1908 avec Muller. Idem pour Armand Gérard de Stember qui était chef du tissage. Ils gagnaient 10000 francs par an. Ajoutons que l’activité de tous ces Belges étaient contrôlées par des notables de Lanzhou, que l’on peut voir sur les photos, ce y compris le Taotaï de Lanzhou lui-même qui était le ministre de tutelle. Mais la filature était la propriété du gouvernement provincial, pas de la ville.

Photos Bedeur

Successivement: Nicolas Larbanois, Robert Vahrenkampf, Armand Gerard, Emile Nique et Joseph Cadiat, les partenaires de Jean-Jacques Muller pour faire marcher le traitement de la laine et le tissage des draps à Lanzhou.

Leurs contrats avaient été signés à Bruxelles en présence du Ministre. Tout le monde avait le même contrat et nous possèdons le contrat chinois d'Emile Nique.

Si intérêt, ci-joint le contrat de Nicolas Larbanois d'Ensival, responsable du tissage de l'usine de Lanzhou -->>

 

L’histoire de la filature

 

Elle n’est pas vraiment très bonne. Et pour de nombreuses raisons, d’ordres sociales, économiques et politiques.

En fait, vu l’instabilité de la Chine à cette époque, qui ne savait pas encore où elle allait, les Belges et le Gouvernement du Gansu, ont reproduit ce que les Allemands avaient essayé de faire, vingt ans auparavant. Autrement dit, soyons clairs, avec l’accord de l’Empereur, les Européens construisent ou rénovent une filature, mais dès que ces Européens s’éloignent vu qu’ils sont en fin de contrat, les Chinois ne sont pas capables de maintenir l’outil. En outre, les Chinois se sont trouvés incapables d’écouler leurs produits fabriqués vers l’extérieur. Ils étaient prisonniers de la simple consommation locale.

Il en fut de même avec la production de l’or ou du cuivre dont les installations réalisées à grand frais par les Belges, ne put s’écouler vers l’intérieur du pays faute d’infrastructure de transport. Le pont créé en 1909 par les Allemands n’était pas la seule clé à l’expansion économique de la ville de Lanzhou et des environs. Idem en ce qui concerne le pétrole, et les autres richesses minérales incroyables de cette partie du monde. Il manquait des routes, des trains, des voies navigables, voire d’aéroports.

Cette vision avait déjà été perçue par les Puissances depuis longtemps et c’est pourquoi Léopold II de Belgique voulait par-dessus tout établir des lignes de chemin de fer, à défaut de voies navigables (le Fleuve Jaune qui passait à Lanzhou n’était navigable que par portion et filait vers la Mongolie avant de descendre vers la mer).

Mais cette vision plutôt pessimiste de l’histoire de la filature de Lanzhou réhabilitée par les techniciens verviétois (les gens de Verviers – Belgique) ne doit pas nous faire oublier qu’ils avaient réussit à traiter et à produire des draps de laine de plusieurs qualités différentes, et qu’ils ont en fait réalisé leurs objectifs avec honnêteté. Dès la fin de 1909, l’activité déployée par ces quelques hommes a déjà obtenu d’étonnants résultats. Restaurée et pourvue d’un matériel moderne importé de Belgique, la fabrique de draps emploie, dès 1910, quatre-vingt ouvriers. Le drap chinois qu’elle livre est vendu dans un dépôt officiel, situé dans la rue principale de Lan-tcheou fou (ancien nom de Lanzhou – encore que les anglophones écrivent Lanchow), près du yamen du vice-roi. S’ils sont partis en 1911, c’est faute de renouvellement de leur contrat et surtout, ils ont fuit la révolution. Il semble vraisemblable que certains étaient disposés à revenir après leur congé en Belgique, mais on peut conclure en disant qu’ils ne sont pas revenus. Les gens de la filature ont pris le bateau pour leur voyage difficile de retour, mais J-J Muller et sa famille se sont attardés en Chine. Ils se réfugièrent Ti-Tao-Chow (?) à la mission américaine pendant plusieurs mois; ensuite ils prendront finalement le transsibérien en juillet 1912.

 


 

Les voyages de Muller

 

On sait que J-J Muller est arrivé en Chine avec ses collègues et Paul Splingaerd, en 1906. On peut penser qu’ils se sont séparés à un certain moment car Paul, avant de retourner vers le Gansu, avait beaucoup de choses à faire car il prévoyait sans doute de mourir. Ainsi, il est descendu sur Shanghai, pour voir ses filles religieuses puis est retourné vers Pékin où se trouvaient Alphonse, sa mère et sans doute les jeunes filles. Il ne savait plus se déplacer qu’en chaise et cette opération fut longue. Il prit enfin le chemin de Xi’an au rythme d’une caravane où il du s’arrêter et où le restant de la troupe le rejoignit. Il y est mort. Si-an-fou (Xi’an ( 西 安), province de Shaanxi) le 26 septembre 1906. Il était apparemment accompagné de Catherine et des jeunes filles. Quant à Alphonse, il était arrivé dard-dard à cheval dès qu’il su que son père était dans ses derniers moments. Il pu ainsi recevoir, en tant qu’aîné de la famille, les dernières recommandations du mandarin. Ce décès inopiné n’arrangeait pas les affaires en cours, pour les Belges mais Alphonse décida alors de conduire ses concitoyens vers Lanzhou pour les présenter au Vice-roi, ce qui de Xi'an représente 10-12 jours pour une caravane. En fait, Muller nous apprend qu'Alphonse les a précédés à Lanzhou pour clarifier la situation qui était devenue ambiguë (Alphonse était plus rapide vu qu'il n'était pas embarrassé par les pénates d'un déménagement). Ce qui fut fait et bien fait. Mais beaucoup de temps avait été perdu. Pendant ce temps, les Chinois contractaient avec Telge et Schröter de Shanghai pour la fabrication du pont métallique sur le Fleuve Jaune. Malgré ces événements contrariants, arrivés à Lanshow, les Belges purent se mettre tout de suite au travail pour ce qui leur fut attribué; ils furent obligés d'attendre les machines cependant.

Alphonse avait les mêmes qualités diplomatiques que son père: les édiles de Lanzhou lui proposa qu'il le remplace ainsi qu'un contrat.

Il ne fut sans doute pas difficile à Muller et à Tysebaert de faire le constat de ce qu’il s’agissait de faire en ce qui concerne le site industriel de la filature à réhabiliter; après sept mois, Muller reprit la route pour revenir en Belgique, laissant Tysebaert comme Directeur général de la filature faisant fonction comme il le dit lui-même. C’est ainsi que le 4 avril 1907, Muller était encore en voyage mais était à Welkenraedt le 5 mai 1907.

Cela fut notre chance car il s’établit entre Tysebaert en Chine et Muller en Belgique, une correspondance conservée dans le dossier. Et également avec Geerts et Van Dijck. Évidemment nous n’avons pas les réponses de Muller qui doivent se trouver dans les dossiers improbables de Tysebaert, de Geerts et de Van Dijck. Encore qu’avec celui-ci, on peut encore espérer de nouveaux renseignements de la part des archives des CICM (Leuven – Belgïe)

inventaire lettres

ACCES A INVENTAIRE DES LETTRES

 

C’est ainsi que nous apprenons le rôle exact de Louis Tysebaert qui resta un peu flou pour nous pendant près de dix ans. Et nous apprenons que, non seulement il a aidé Muller pour la filature et l’a remplacé pendant son absence, mais il a également travaillé pour les infrastructures de la ville et a probablement organisé les installations de fabrication de savon et de chandelles avec R. Geerts. Tysebaert a eu une activité incroyable et diversifiée. Nous y reviendrons. Dans un vieux quartier musulman de Lan-tcheou fou, les Belges montent une savonnerie et une fabrique de chandelles nous dit le Dr Frochisse. Cela ne fut possible que quand le matériel idoine soit arrivé mais ces montages étaient prévus dans les contrats successifs de Paul puis de son fils, le chimiste Geerts étant là pour ce faire. Anecdote à retenir: il ne fut pas possible d'installer l'eau courante car cette opération aurait privé une partie de la population de revenus - les porteurs d'eau. Le projet fut abandonné pour ne pas provoquer de troubles dans la population.

Muller ne chôme pas en Belgique ; outre qu’il donne sans doute encore des cours, il reçoit les candidatures des techniciens du milieu du textile intéressés par un voyage en Chine, dont on a conservé les lettres, et dont beaucoup seront refoulées. Il a de nombreux contacts avec les industriels du milieu, pour les machines, les installations, les meubles, des courroies, les produits chimiques, les peintures et teintures, etc. Des devis, des factures, des contacts épistolaires avec des firmes de Verviers, des firmes allemandes, des firmes du Hainaut, etc.

Pour ceux qui y ont un intérêt, florilège des en-têtes de firmes qui ont envoyé un devis ou une facture à Muller -->>

 

 

Voyages

 

Aussi, après avoir obtenu les autorisations nécessaires de la part de son administration, Jean-Jacques Muller quitte la Belgique pour reprendre la direction des affaires de la filature en Chine. A savoir sur le site nommé successivement dans le langage des gens, le site de « Tchin in’dju » ou « Tche-ni dju » ou « Che ni djen » selon les différents écrivains de l’époque.

 

Voici les différentes étapes de son voyage. Michel Bedeur se fera sans doute un plaisir de développer cette partie où les autres partenaires de Verviers sont intervenus ; ils n’ont pas voyagé en même temps, seulement à la même époque. Ils finirent par se rejoindre à Lanzhou après toutes sortes d’aléas car certains Européens tombèrent malades dès leur entrée en Chine ou pendant leur voyage ou installation (y compris Muller).

Archives Muller

Jean-Jacques Muller, qui avait annoncé tous azimuts son départ vers la Chine reçut un grand nombre de lettres de félicitations et de télégrammes conservés soigneusement dans le dossier. C’est ainsi, qu’historiquement, certains pourraient ainsi reconstituer ses amitiés et relations professionnelles. Ce qui ne sera pas notre ambition. A remarquer que ce voyage a duré au bas mot 4 lunes et dix jours. Les voyageurs ne seront rémunérés que de deux mois. Le manquement sera compensé par Alphonse sur sa cassette: on ne sait comment il a fait exactement.

 

Donc, pour résumer, Muller est parti de Belgique le 17 mai 1908 et est arrivé à Lanchow le 28 septembre 1908, soit 4 mois et onze jours de voyage (après quelques hésitations dans la conversion calendrier lunaire et calendrier grégorien). Il s’était arrêté 54 jours à Pékin comme on peut le voir sur le tableau précédent: du 2 de la 6 ème lune au 28 de la 7 ème lune. On ne sait pas très bien de quoi il fut malade mais je crois bien que c'est à cette époque qu'il a connu sa future femme Pauline. Il en est parti le 28 juillet. Ce qui signifie qu’il fallait encore au moins 2 mois de voyage (moins 6 jours) entre Pékin et Lanzhou à cette époque. Pour nous, qui imaginons difficilement les problèmes de communications de l’époque, cela nous donne une toute petite idée de la façon dont l’économie existait en Chine à cette date. On en était au même point qu’à l’époque où il fallait transporter des gens ou des matériaux entre Marseille et Cologne, en Europe, du temps des Romains, il y a deux mille ans. Nous n’avons aucun renseignements ni photos pour illustrer ce voyage. Cette constatation illustre assez bien les difficultés qui existaient pour voyager et qui entravaient la circulation des biens et des gens. Il faut imaginer qu’il fallait trouver chaque jour un gîte ou monter un camp. Autres temps, autres manières. Voir les photos de l’album de Pauline Splingaerd, c’est un autre monde.

Nous possédons le contrat particulier de Jean-Jacques Muller, découvert au Ministère des affaires Etrangères. Il gagnait 450 taëls par mois, et il touchait beaucoup plus que ses collègues de la filature, qui touchaient généralement 250 taëls sauf Larbanois qui en était à 300 taëls d'argent. Pour trouver le salaire exprimé en francs-or Belgique de l'époque, il faut multiplier par 3,33 mais en 1908, le taël d'argent ne valait plus que 3,01, ce qui occasionnait un préjudice sur les salariés venus ultérieurement, les salaires promis étant exprimés en monnaie chinoise.

Parmis la correspondance qu'il a reçu, notons la lettre de son frère, alors qu'il était à Pékin où il est resté un certain temps. ->>

Cette lettre conservée dans le dossier Muller pourrait sembler être anodine mais elle nous montre une famille unie et aimante. La métis Pauline Splingaerd, veuve dans l'immédiate après-guerre avec 4 enfants à élever fut accueillie à Welkenraed par sa belle-famille. La lettre nous dit également que Jean-Jacques fut accueilli dans la famille Splingaerd à Pékin avec comme chef de famille John Splingaerd. Il y a tout lieu de penser que les quatre filles à marier n'était plus au collège et se trouvaient à Pékin avec leur mère. C'est donc là que Muller a connu sa future et a peut-être fait des projets avec elle. Nous ne savons absolument pas comment et quand Pauline Splingaerd est arrivée à Lanzhou.


 

 

Louis François Tysebaert, ingénieur mécanicien

 

Photo Véronique Album Pauline

 

Sans vouloir minimiser les rôles des autres collègues recrutés par Paul Splingaerd en Belgique, il semble évident que Tysebaert s’est révélé être un ingénieur extrêmement actif et opérant de la colonie belge de Lanzhou. Il semble avoir touché à tout ; non seulement pour la filature (réfection des bâtiments, installation du matériel reçu, alimentation en eau ou électricité, etc.) mais également pour l’urbanisation de la ville : égouttage, électricité, téléphonie, nettoyage des rues, amenée des eaux potables, aide à la construction de l’usine de savonnerie, avec Geerts, la fabrique de chandelles, etc. On ne sait s’il s’est occupé du pétrole ou des sucreries, mais il semble avoir bien rempli son contrat. Nous ne savons cependant pas combien de temps il est resté à Lanzhou. Ni ce qu’il aurait fait ultérieurement dans sa vie familiale ou professionnelle après son retour en Belgique. Nous le regrettons mais espérons toujours un contact avec les familles descendantes pour savoir s’ils possèdent un ‘dossier Tysebaert’. Il semble ne plus être à Lanzhou lors de l’inauguration du pont Sun Yat Sen (1909). En tout cas, on ne le voit sur aucune photo de 1909.


Archives Muller

Tysebaert nous dit qu’on l’appelait en Chine « Ti la’ ie’ ». Son nom européen commençant par « Ti », on pourrait imaginer la démarche. Pour le reste ……… ! D’après une ancienne traduction de contrat (en mandarin), nous pensions que son nom était Dai Shi Bo ( 戴世 拨 ) . Les chinois accordaient parfois des noms chinois surprenant, n’ayant rien à voir avec leur propre nom européen. Cela s’explique peut-être parce que les phonèmes ne correspondaient à aucun signe de leur langue.

Parfois, on trouve cependant des exceptions comme pour Robert Geerts (à prononcer à la flamande, avec un G assez guttural et cela donne He Er Ci ( 贺尔慈) .

Tysebaert avait un cousin à Paris et une tante, (Madame veuve Hulin) à Gent, Belgique. Il avait une femme en Belgique qui signait B. Tysebaert et qui a eu des problèmes d'argent pendant le séjour de son époux en Chine, suite à l'incendie de sa maison. Elle habitait Sombreffe. Il y avait de grands enfants.

Ce qu’il a fait à Lanzhou à son époque est essentiel. Sous son impulsion, les pouvoirs locaux se sont réveillés aux possibilités technologiques européennes de développement. Il a installé avec Scaillet le cinématographe au grand plaisir des colons mais également de la Cour et des grands mandarin. Ils ont sans doute continué sans lui, en l’oubliant. Il devrait y avoir une statue de notre vaillant Belge à Lanzhou.

Les nombreuses lettres qu’il a adressées à Muller lors de son séjours intermédiaire en Belgique nous dépeint un personnage plein d’humours et de désinvolture, qui semble de culture francophone avec un soupçon de connaissance du flamand de chez nous ; il utilise volontiers des expressions néerlandaises dans ses lettres, mais aime beaucoup les wallons. Il fait beaucoup de fautes d'orthographe. Sa relation avec Muller est très amicale et il termine la plupart de ses lettres par ‘un serrement de la main’ et des ‘bonjours chez vous’ comme s’il connaissait bien la famille de Muller.

Louis Tysebaert était un habitué de la Chine et avait déjà participé comme ingénieur à l'établissement de la fameuse ligne de chemin de fer de Pékin à Hankow, sous la direction de Jean Jadot. Il est amusant de constater que Louis, un jour qu'il était peut-être à court de papier à lettre, a utilisé un ancien papier à en-tête de son ancien employeur.

 

Datée de Lanchow au 16 novembre 1907, Louis Tysebaert apprend à Muller qu'Alphonse est en route vers Lanchow avec sa famille et deux mécaniciens et qu'il arrivera en ville au début de décembre (1907)

Dossier Muller

 

Tysebaert était un ingénieur qui pensait à beaucoup de choses et s'intéressait à tout. Il nous donne, par exemple, des indications sur les unités de surface utilisées à Lanzhou, leurs prix, etc. Ce sont des éléments intéressants pour ceux qui essayent de vivre comme les protagonistes de ces affaires, à beaucoup plus de cent ans de distance. Rappelons que le taël d'argent de l'époque était à multiplier par 3,33 pour avoir l'équivalent en francs belges d'avant la WWI.

5 novembre 1907 - Dossier Muller

Les lettres de Tysebaert

Il existe de nombreux éléments très intéressants dans le dossier Muller, mais pour ce qui est d'appréhender l'histoire de la rénovation de la filature et avoir une toute petite fenêtre sur la façon de vivre des Belges à Lanzhou, les lettres qu'il a adressées à Muller pendant son absence sont assez incroyables.

Aussi, les éléments partiels de la vie de Lanzhou qui ne nous ont pas échappés seront consignés ci-après en attendant mieux:

Par exemple on apprend que les constructeurs du pont de Lanzhou sont arrivés en ville le 2 janvier 1908, les nommés Robert Coltman, Américain sorti du Cornell University (N-Y - USA) et Deloo, Allemand. Ils sont là pour un autre boulot extraordinaire. Voir plus loin.

Autre exemple: si l'on est habitué à mon site, certain ont déjà observé la présence d'un chien, genre basset (c'était celui de Madame Scaillet). Il se nommait Mirza mais il y avait d'autres chiens dans la colonie (Diana et Black). Il se trouve que Mirza s'est révèlée être atteinte de la rage et mordait les autres animaux. Tysebaert signale qu'ils ont été obligés d'abattre tous les chiens.

 

Anecdote curieuse mais instructive dans les lettres de Madame Tysebaert: le commandant Baesens -->

Muller et son dossier

 

Ce qui est extraordinaire dans le dossier Muller, c’est que nous apprenons une partie de ce qu’il a fait uniquement grâce à la correspondance qui s’est établie avec lui lors de son retour en Belgique. Dès lors, on se pose la question de savoir pourquoi le dossier ne comprend pas d’avantage de documents plus privés comme des contrats, des passeports, des actes de l’état-civil ou de naissance, etc. Y aurait-il eu un second dossier comme il y eu un second album de photos ou sont-ce des prélèvements qui ont été effectués par les membres de la famille et qui ont de la sorte éparpillé les documents. Nous n’en sauront jamais rien.

Conclusion : il n’y a presque rien dans le dossier concernant Jean-Jacques Muller, à part son administration. C’est toujours le cordonnier qui est le plus mal chaussé. Heureusement, il n'y a pas que le dossier Muller - voir les archives des affaires étrangères.

 


 

 

Alphonse Splingaerd, dit Lin Ah Der ( 林 阿 德 ) – certains écrivent Lin A De

 

 
Les cartons successifs de Lin Ah Der (Alphonse) et de Emile Nique. Dossier Muller.
A remarquer, la différence qui peut exister entre une police moderne et les caractéres de calligraphie.

 

Souvent cité dans les contrats comme étant « le conseiller » Lin (Lin can zan - 林 參 贊 ), qu’il faudrait peut-être traduire en français par « le secrétaire Lin » (vu son rôle de secrétaire de légation), eut un rôle important dans l’établissement de la colonie belge de Lanzhou, aussi bien pour la filature que pour l’établissement des usines de traitement du cuivre. Il contrôla les budgets, les hommes, l’achat des machines, etc. au nom du gouvernement du Gansou, comme avait pu faire son père (on se demande encore ce que fut son éventuel rôle près le gouvernement pour ce qui est la construction du pont normalement entièrement dans les mains des Allemands – il n’y a aucune référence au pont dans ce dossier Muller). Délégué par l’ambassade de Belgique au Gansu, il avait l’aval et la couverture accordée par un pays étranger, ce qui semblait précieux aux Chinois. Alphonse n’avait pas la même notoriété qu’avait eu son père mais avait une meilleure instruction (scolarisé par sa mère Catherine, institutrice, puis collège à Langchéo-fou (siège épiscopal), puis collège avec les Frères Maristes à Shanghai) et maîtrisait les langues locales et européennes aussi bien que son père. Il est probable que ses deux frères en étaient en même situation. Il pouvait en outre écrire dans ces langues, ce que le mandarin n’a jamais su faire. Il n’est même pas impossible qu’Alphonse pouvait lire et écrire en chinois (mais nous n’avons pas de documents). Il semble que la langue de prédilection d’Alphonse ait été l’anglais pour écrire, ce qui était l’idéal pour les relations commerciales internationales. A remarquer qu’aucune des réflexions qui viennent d’être faites ne figurent dans le dossier Muller. On peut cependant observer qu’il existe des documents qui concernent Lin Ah Der dans ce dossier et on se demande pourquoi, comme s'il s’agissait de documents égarés. On y note de la correspondance en français. Le dossier contient le ‘carton rouge’ d’Alphonse utilisé par les Chinois de l’époque pour se présenter devant une autorité ; cela correspond à une sorte de ‘carte de visite’. Comme on savait qu’il était rouge, on parlait plutôt « du carton ». Nous avons identifié celui d’Alphonse et d’Emile Nique. Nous avons d’autres cartons mais nous ne savons à qui ils ont appartenus pour l'instant ².

Le rôle d'Alphonse Splingaerd à Lanzhou était bien déterminé, par contrat pour ce qui concernanit la filature. Alphonse avait en fait plusieurs contrats (ou un contrat très segmenté) qui déterminaient son rôle en ce qui concerne les usines de métallurgie, d'où les deux mécaniciens qu'il avait engagé):


Extrait de la traduction en français du contrat chinois d'Alphonse

 

Son action est bien déterminée. Là, s'arrêtera son rôle. Les quatre pages de ce contrat si intérêt ->

Le dossier Muller comprend plusieurs contrats dont l’un est le contrat d’emploi d’un technicien belge de l’entreprise de fabrication de drap. Il est en double et est écrit en chinois calligraphique, signés à la fois par l’employé, Emile Nique, par Muller, et par Alphonse -> , avalisé par des signatures en mandarin ou en mandchou. On sait d’autre part que de nombreux ministres de toute sorte de compétence se trouvaient derrière ces signatures qui devaient être celles du Taotaï et du Vice-roi. A l’époque qui nous occupe, le vice-roi ou gouverneur était Shen Yu mais le nom du viceroy précédent est également cité. Dans une lettre, Geerts nous explique qu’il va bientôt partir à son terme de trois ans et considère que c’est une perte pour eux. Le Taotaï était Peng. Il restera bien plus longtemps dans sa ville où il était encore après la révolution. Il n’est pas toujours évident, pour l’observateur à 100 ans de distance, d’apprécier les compétences de l’un ou de l’autre.

Malgré que le contrat de Splingaerd spécifie qu'il ne peut pas céder ses droits, il accorde procuration à Jean-Jacques Muller pour le remplacer en Belgique. Alphonse aurait d'ailleurs cédé ce même droit à Vanderstegen, de Shanghai. La procuration de Splingaerd à Muller, deux pages ->

Dans la correspondance, le nom des grands protagonistes ne sont jamais cités, c’est rare. Il y a seulement Mannerheim, en visite à cette époque, qui cite le nom du vice-roi qu’il appelle gouverneur (Shen). Il ne donne pas de nom au Taotaï, mais nous le connaissons. L’officier russe écrivait tant bien que mal le nom des gens en les estropiant si possible. Ainsi a subsisté longtemps dans notre littérature l’écriture de ‘Thysbart’ alors que son nom était Tysebaert, ce qui est prouvé maintenant par ses lettres ou celles de sa femme (signées B. Tysebaert) par le dossier Muller.

 

Les différentes lettres du dossier Muller nous montre d’une façon évidente que les Belges ne pouvaient rien faire sans Alphonse. Il n’était pas leur chef, mais tenait « les cordons de la bourse ». Arrivé assez tard à Lanzhou (décembre 1907), il y était attendu avec une grande impatience, d’autant que les techniciens attendaient leur salaire, en retard de six mois, ce qui chagrinait beaucoup les familles restées en Europe. Les lettres nous dévoilent les difficultés de leurs parents. Mais il faut bien penser qu’Alphonse venait à Lanzhou avec sa femme, native du lieu (comme toutes les filles Zhang), et ses quatre enfants : l'aînée Pauline, Paul, Marie Madeleine et Philomène, pour un séjour à durée indéterminée et avait du préparer longuement ce déménagement de 1500 km, dont une grande partie en caravane. Leur dernière fille, Hortense est née à Lanzhou où l'aînée décèdera. Contrairement à ce que nous pensions primitivement, il ne serait pas venu à Lanzhou avec sa mère qu’il a sans doute laissée à Pékin ou à Tientsin.

 

La place de John Splingaerd dans l'implantation des Belges dans le Gansu

 

John Splingaerd était le jeune frère d'Alphonse. Durant l'épopée des Belges dans le Gansu, il était resté à Péking, sans doute avec leur mère Catherine. Il avait été placé par Paul Splingaerd à l'Institut Saint Boniface à Ixelles (Belgique) en 1906, mais nous pensons qu'il était rapidement revenu en Belgique suite à la mort du mandarin et était sous la protection de son frère aîné à Péking. Lorsqu'Alphonse partit avec sa famille vers le Gansu (en 1907), John resta à Péking et devint l'intermédiaire entre Péking et Lanzhou. Il semble qu'il ait été un temps intermédiaire de la société qui se nommait "Belgian Trading Compagnie" sur laquelle nous reviendrons car par une lettre de Tysebaert du 12 février 1908 du 'dossier Muller', que cette firme est tombée en faillite ou a cessé ses activités (Lettre de Tysebaert du 12 févier 1908). Le nommé Van derstegen y avait des intérêts. Suite à l'absence d'Alphonse Splingaerd de Péking pendant plusieurs années après 1907, Jean-Baptise Splingaerd devint l'interlocuteur privilégié des Européens arrivant à Péking ou Tientsin souvent en référence à son père Paul Splingaerd. Il y a assez bien de références bibliographiques à ce sujet ( voir éventuellement Wikipédia)

Le contact pendant cette période avec ces différents interlocuteurs internationnaux a probablement formé le jeune homme qui, d'abord employé aux Chemins de fer Chinois, devint après son transfert définitif à Tientsin, un des hommes les plus mystérieux et influents de la CTET (Compagnie de Tramway et d'Electricité de Tientsin).

 

Ci après, une enveloppe timbrée adressée à John Splingaerd et à la 'Belgian Trading Compagnie'. Mais il ne s'agit qu'une boîte postale: datée du onze juillet 1908, elle vient de Welkenraed, de la famille sans doute, qui savait que Jean-Jacques Muller se trouvait à Pékin chez la famille Splingaerd

 


John vers 1909 - Dossier Muller

Dans l'album de photographie de jeunesse de Pauline Splingaerd, sa tante, on trouve beaucoup de référence à ce jeune homme.

Voilà ce que nous avions dit concernant la présence de John Splingaerd à Tientsin -->

 

 

La place de Stanislas Splingaerd

 

photo Bedeur

Le dossier Muller ne contient aucune information concernant Stanislas Lin-Splingaerd. Seules, les photographies recueillies par Michel Bedeur dans les dossiers des verviétois prouvent que le frère adoptif d’Alphonse était à Lanzhou à la disposition des employés de la filature qui ne connaissaient pas du tout le chinois mandarin, comme interprète. Il était sans doute trilingue et même plus, connaissant sans doute le français et l’anglais, sans compter d’autres langages, comme son frère, ayant été élevé par Catherine Li avec ses enfants. Il est prouvé que Stanislas est resté avec Alphonse une grande partie de sa vie, particulièrement à Tientsin (Tianjin), où au moins un de ses descendants vit encore aujourd’hui (2016). Stanislas a donc participé sans conteste à la communauté des Belges lorsqu’ils étaient dans le Gansu.

 

Autres informations sur Stanislas ->

 

 

 

La place de Robert Geerts

 

 

En rappelant que notre littérature s’attache à l’envergure de ce que Paul Splingaerd fit en Chine, et que nous ne sommes pas spécialement attaché à « la filature », Robert Geerts, originaire de Bruxelles (Belgique) était chimiste et sans doute minéralogiste et géologue de formation. Dans les nombreuses lettres que nous possédons de Paul Splingaerd, il semble avoir beaucoup insisté auprès de lui pour qu’il revienne en Chine à l’époque où Geerts était retourné en Belgique. Paul Splingaerd et Robert Geerts, tous deux Belges, se connaissaient de longue date car ils s’étaient rencontrés à l’époque où Li Hongzang avait placé son mandarin aux mines de Kaiping, après 1886, suite à la fermeture du poste de douane de Suzhou, à l’extrémité de la Grande Muraille, dans le couloir menant au pays des ouïghours, au nord du désert du Taklamakan province du Xinjiang. Plus tard, Geerts lui-même, établi à Pékin durant les évènements dramatiques des 55 jours de Pékin (1900), avait également connu Alphonse Splingaerd. Ils furent décorés tous deux pour leur activités pendant ce siège. Louis Tysebaert également. Il existe de la littérature à ce sujet.


documents Kadoc

Cette letttre écrite de la main de Paul Splingaerd, datant de 1903, prouve qu'il réclamait depuis longtemps auprès de sa légation la présence de Robert Geerts en Chine. Elle est adressée à Bruxelles auprès des autorités de Scheut et elle nous vient des archives de ceux-ci, actuellement déposées au Kadoc à Leuven (Belgium). Les très nombreuses lettres de Paul Splingaerd que nous possédons sont toutes écrites en flamand tel qu'on le parlait dans son pays d'origine à Ottenburg lors de sa scolarité, vers 1850. Elles sont difficiles à déchiffrer et, généralement, nous ne pouvons qu'en retirer la substance. Dans cette lettre, Paul nous dit que Robert Geerts connait le chinois et peut communiquer avec beaucoup de Chinois; qu'il connait la chimie et peut trouver des sites minéralogiques intéressants. Paul donne son adresse en Belgique qui est la preuve qu'il était resté en relation avec lui, depuis l'époque où Geerts était revenu en Belgique. La lettre, dont nous ne donnons que quelques extraits comporte de très nombreuses pages que nous n'exploitons pas ici. A cette époque, Paul Splingaerd était commissaire de l'Etat indépendant du Congo et le sieur de Cuvelier était son ministre en Chine. Archives CICM - Kadoc -Leuven

 

Geerts n’était pas n’importe qui. On le connut plus tard comme connaissant et parlant le mandarin après tant d’années de Chine (en 1913, Geerts comptait 25 ans de présence en Chine). Paul pensait détenir en lui un atout majeur pour ses ambitions en Chine, tant pour l’exploration des richesses minéralogiques du genre houille, pétrole, or et cuivre et autres richesses du Gansu que pour organiser des usines de traitement du sucre, de la production de chandelles et autre savonnerie. Paul ne s’était pas trompé car cela se fit, dans son sillage, alors qu’il était malheureusement décédé.

Robert Geerts était arrivé à Lanzhou avec les deux autres ingénieurs et Alphonse avait confié le corps du mandarin à Xi’an à sa mère. Elle n'a plus jamais été à Lanzhou. Après avoir prit les premières dispositions avec le gouvernement, Alphonse revint à Xi'an près de sa mère et ils rentrèrent à Pékin. En attendant, on ne sait si le corps du mandarin Belge avait été inhumé provisoirement, ou s’il avait été placé dans un coffre à la manière chinoise comme Blondel nous le narre à l’époque où il a rencontré Paul Splingaerd sur la route de Kalgan vingt-cinq plus tôt. Blondel nous raconte

Geerts a alors entrepris des expéditions de reconnaissance dans la région et vers le Tibet (à un moment, il était avec Tysebaert), reconnu les possibilités d’exploitation des salines du lac Kou Kou Nor (to day : lac Qinghai) pour le compte du gouvernement du Gansu, etc.

Sur place, il s’est également occupé des installations des sites métallurgiques avec De Deken, son compatriote, et commença à donner des cours locaux, près de l’usine métallurgique, pour former des techniciens Chinois. Ultérieurement, il commença les mêmes cours à l’Université de Lanzhou, créée en 1909 et où le Père CICM Léo Van Dijck donnait déjà des cours de français. Ces gens étaient très appréciés dans la ville. Geerts a également donné des cours d’anglais pendant un temps, avant d’être lui-même remplacé par un Chinois bilingue.

Nous ne savons pas comment et quand Robert Geerts (et sa sœur et neveu) est revenu en Europe. Cependant, la tradition familiale des Splingaerd et des Paternoster note que Geerts était resté en relation avec Thérèse Splingaerd et Robert Vahrenkampf établis en Belgique et encore peut-être avec les trois autres filles chinoises qui étaient également en Belgique, Pauline (veuve), Catherine avec Castaigne, Lucie Splingaerd avec Albert Paternoster .

Robert Geerts a également correspondu avec Jean-Jacques Muller pendant son retour en Belgique. Geerts est un excellent narrateur et va volontier dans le détail de la vie à Lanzhou, moins pour les éléments techniques (encore que...) que pour des réflexions plus sociales, critiquant le comportement de l'un ou de l'autre. Evidemment, Geerts ne vivait pas à la filature et occupait une maison chinoise en ville, avec sa soeur et son neveu Lucien. Il ne rencontrait les autres belges que le dimanche, à la messe ou lors de rencontres programmées.


Geerts annonce l'arrivée d'Alphonse et la famille avec quatre enfants! Les deux mécaniciens et le secrétaire d'Alphonse, le jeune Vanderstegen. 16/12/1907. Dossier Muller.

 

 

De Deken, Alphonse Splingaerd, le gouvernement et la métallurgie

 

Photo Bedeur Cette photo reste à confirmer.

Albert De Deken était ingénieur des Arts et manufacture A.I.Lg en 1879 (Liège - Belgique), son adresse est alors 'Rue de la Station 64 à Louvain' (Belgique). Sa mission en Chine consistait à prospecter, à développer les gisements miniers et à diriger les usines métallurgiques dont on venait de commander le matériel. Nous ignorons à quelle date exactement il est arrivé à Lanzhou sinon à l'époque où le matériel idoine est arrivé.

 

Nous possédons cette photo vue plus haut, fournie par Michel Bedeur. On y voit un personnage mature en col blanc, comme mon grand-père. Nous ne savons guère sur ce personnage qui poursuivit sa carrière au Congo après son passage dans le Gansu. Il était particulièrement en relation avec Geerts mais nous trouvons une de ses lettres dans le dossier Muller. Il a laissé une très bonne description de la colonie belge.

Exemplaire d'écriture d'Albert De Deken ->

On se souvient qu’en 1906 un Belge, devenu mandarin en Chine, M. Paul Splingaerd, vint revoir son pays.

M. A. De Deken, ingénieur belge établi dans le Kansou, adresse à ce sujet les intéressants détails que l’on va lire à la revue « Chine et Belgique » :

"Au commencement de 1906, Paul Splingaerd vint en Belgique revoir son pays natal, qu’il avait quitté depuis quarante ans. Cette visite n’était pas le seul but de son voyage. Bien en cour auprès du vice-roi du Kansou, il avait fait valoir la Belgique, la puissance de son industrie, les capacités de ses techniciens bien mis en relief, en Chine même, par maints travaux déjà, et avait déterminé S. Exc. à adopter un vaste programme de mise en valeur des ressources du Kansou. Il fut convenu que l’on remettrait en marche une ancienne fabrique de draps, installée naguère par des Allemands à Lanchow et qui n’avait donné que de piètres résultats aux mains peu expertes des Chinois ; que l’on construirait un pont sur le fleuve Jaune, pour remplacer l’antique pont de bateaux ; que l’on s’occuperait des mines, du traitement métallurgique des minéraux, de travaux d’égouts et de distribution d’eau à Lanchow ; que l’on examinerait la question de la navigation à vapeur sur le fleuve Jaune, etc., etc. Splingaerd avait reçu du vice-roi plains pouvoirs pour engager du personnel au nom du gouvernement du Kansou.

A peine arrivé en Belgique, il chercha discrètement quelques techniciens assez courageux pour entreprendre le voyage du Kansou, et l’accompagner dans cette province reculée de l’empire. Il choisit un ingénieur-chimiste, M. R. Geerts ayant déjà fait un séjour en Chine, puis un ingénieur textile, M. J.-J. Muller, et enfin M. Thysbaert (sic), un ancien conducteur des travaux du chemin de fer de Pékin à Hankow.

La caravane, conduite par P. Splingaerd, à laquelle se joignirent la sœur et le jeune neveu de M. Geerts, s’acheminait vers Lanchow fou pendant l’été de 1906, lorsque arrivée à Sian-fou, Paul Splingaerd, déjà souffrant, devint malade et mourut. Le succès de l’entreprise se trouvait compromis à la suite de ce fâcheux et très regrettable évènement lorsque le fils aîné du mandarin Splingaerd, M. Alphonse Splingaerd, alors élève-interprète à la légation de Belgique à Pékin, accourut à Sian fou ; sachant que, selon la coutume chinoise, la faveur dont jouissait le père se reporte spécialement sur son fils aîné, il s’offrit à accompagner les Belges à Lanchow fou et à les présenter au vice-roi et aux autorités.

L’accueil fut sympathique et les trois pionniers belges se mirent aussitôt à l’œuvre.

Pendant l’absence trop longue du mandarin Splingaerd, une maison allemande de Tientsin, très réputée en Chine, connaissant fort bien la façon de traiter avec les chinois, ayant des agents très au courant, toujours prêts à aller là où une affaire peut se présenter, avait dépêché un ingénieur à Lanchow ; celui-ci, avec l’aide d’un agent commercial, parvint à enlever l’affaire du pont de Lanchow qui paraissait réservée à Splingaerd.

Quelque temps après l’installation des Belges à Lanchow fou, M. A. Splingaerd retournait à Pékin et revenait, fin 1907, à Lanchow avec sa famille et deux Belges, anciens gardes de notre légation à Pékin, MM. H. Scaillet, mécanicien-monteur, qu’accompagnait sa femme, une Bruxelloise, et G. Coutelier, dessinateur et conducteur de travaux.

Peu après arrivait à Lanchow un autre Belge, l’auteur de ce récit, dont la mission consistait à prospecter, à développer les gisements miniers et à diriger les usines métallurgiques dont on venait de commander le matériel.

Enfin, en automne 1908, un groupe de cinq Belges, comprenant quatre contremaîtres drapier et un mécanicien, de Verviers – MM. Cadiat, Gérard, Labanois (sic), Nique et Varenkamp (sic)  – (ve)nait à Lanchow pour remettre en marche l’ancienne fabrique de draps, modernisée par l’adjonction de machines nouvelles.

La petite colonie belge établie aux confins de la civilisation, comptait dès lors seize membres, y compris les missionnaires de la résidence de Lanchow. Les travaux exécutés, au Kansou, par les colons industriels belges et les services qu’ils ont rendus sont nombreux déjà : la fabrication des draps et des couvertures, dans l’usine que l’on a dû réfectionner complètement ; la reconnaissance de nombreux gîtes de cuivre, d’or, de fer, celle de rivières aurifères, la mise en valeur de ces gisements ; le montage d’une usine de fusion des minerais de cuivre au water-jacket, complétée par le traitement des mattes par la bessemérisation ; le montage d’une usine pour le traitement mécanique et chimique des minerais aurifère mixtes ; le montage d’une savonnerie et d’une fabrique de chandelles. En outre, plusieurs projets divers sont à l’étude et d’autres n’attendent que la sanction du nouveau vice-roi. D’autre part, M. Geerts, se consacrait à l’enseignement de la chimie, et donne des cours à l’Université de Lanchow.

N’oublions pas les travaux des missionnaires de Scheut, qui, non contents de se vouer au bien spirituel de leurs chrétiens dans leurs diverses résidences, ont à Si-Siang, près de Lanchow fou, résidence épiscopale de Mgr Hub. Otto, un pensionnat-orphelinat pour les jeunes chinois, auxquels ils procurent les bienfaits de l’instruction. A Lanchow, deux missionnaires de la résidence ont, depuis plusieurs années, ouvert une école française, très fréquentée par des jeunes gens chinois, tant chrétiens que païens ; l’un de ces missionnaires, le Père Léon Van Dyck, d’Anvers, est aussi professeur de français de l’Université de Lanchow ; les services qu’il rend sont tenus en haute estime par les autorités. Mandarin à bouton de cristal, le gouvernement central de Pékin vient de lui décerner, en outre, la plume de paon, honneur et distinction très prisée en Chine."

 

N'ayant pas trouvé toutes les références scientifiques dans le cadre de notre communication, nous préférons puiser dans l'ouvrage de Frochisse (voir plus bas), qui ne nous donne pas lui-même ses références, mais nous le croyons. Jusque plus ample informé, cet article est le maximum que nous connaissions sur ce personnage important de la colonie belge de Lanzhou, présence due à Paul Splingaerd. Cette partie d'article avait déjà été publié dans nos pages précédemment.

Page 411, 412

Dans un vieux quartier musulman de Lan-tcheou fou, les Belges montent une savonnerie et une fabrique de chandelles. Des prospections, conduites avec méthode, ont découvert de nombreux gisements d’or, de cuivre, de fer, et repéré dans plusieurs rivières, des alluvions aurifères. On commence d’exploiter ces richesse par les procédés de l’industrie européenne, en montant successivement deux usines : l’une pour la fusion des minerais de cuivre au water-jacket, complétée par le traitement des mattes par bessemerisation , et l’autre pour le traitement mécanique et chimique des minerais aurifères mixtes. A. De Deken, chargé de la direction des entreprises minières et métallurgiques, rencontre de grosses difficultés. D’abord installée à Ho-si t’an, au sud de Kou-lang, dans la partie orientale des monts de Richthofen, - c’est une région où le minerai de cuivre est excellent, - l’usine y souffre d’une véritable disette de charbon. L’approvisionnement en combustible y est si malaisé, qu’il faut se résoudre à abandonner la place. Les machines sont donc démontées et transportées à Jao-kai (Jao-Kian ou Yao-Kai). On a choisi ce centre houiller parce qu’il fournit une houille très pure, bien supérieure à celle des régions de Lan-tcheou fou et de Liang-tcheou. Les charbonnages de Jao-kai datent de la dynastie de Ming, qui s’éteignit en 1644. Ses gisements doivent être classés parmi les plus riches du monde. La houille ne s’y présente point en veines, mais en amas compacts. Pourtant, à côté de ces avantages, que d’inconvénient ! Jao-kai, situé sur la rive gauche de la rivière Ta-t’ong-ho, « enclavé dans un enchevêtrement de hautes montagnes », semble ne pouvoir jamais être desservi par un chemin de fer. En 1908, une seule route carrossable part de Jao-kai dans la direction de P’in-fan. Isolé et dépourvu de moyens de transport, le nouveau centre métallurgique peut-il prospérer ? Le cuivre manque d’ailleurs dans le voisinage immédiat de Jao-kai : il faut l’y apporter d’une distance de dix à vingt lieues.

Les désagréments auxquels on a voulu échapper en quittant Ho-si t’an, se représentent ici avec une gravité toute pareille. Néanmoins, l’usine entre en activité, le 26 août 1909 ; ce ne sera pas pour longtemps. Jamais, paraît-il, l’approvisionnement en matières premières ne fut suffisant pour le fonctionnement normal et régulier de l’exploitation. L’extraction du minerai est beaucoup trop lente, les Chinois ne disposant que d’un outillage primitif. Puis, souvent on envoie à l’usine, sans aucun discernement, des pierres qui ne contiennent que peu de cuivre ou pas du tout. Or, celle-ci est équipée pour produire environ 1.500 kilos de cuivre par jour, si bien qu’elle absorbe en deux ou trois jours tout le minerai qui lui est apporté en un mois.

Le traitement des quartzs aurifères n’est pas plus rémunérateur car, de ce côté également, l’arrivage des matières premières est insuffisant. Cependant l’or ne manque pas au Kansu, comme nous l’avons remarqué déjà. « Sur le versant des monts de Ta-t’ong (Ta—t’ong-chan), à l’ouest de la province, il y a de vastes placers où les pépites abondent. ». D’aucuns prétendent même que le Kansou est aussi riche en or que le Klondyke.

Ces débuts laborieux n’avaient pas découragé le directeur des usines de Jao-kai, du moins à l’époque où il écrivait l’article que déjà nous avons cité, c’est-à-dire vers la fin de 1909. Il y disait son ferme espoir dans le développement des industries extractives et métallurgiques du Kan-sou, qui lui semblait « devoir jouer bientôt un certain rôle économique » dans le vaste empire chinois. L’admiration étonnée d’un correspondant du Times, le Dr Morrison, s’était plu également à louer les résultats obtenus, par les Belges, dans cette contrée lointaine.

L’effort financier, indispensable à la création des établissements industriels, avait été supporté par les Chinois et en particulier par le trésor provincial. Sans avoir dû, cette fois-ci, y consacrer des capitaux, la Belgique, comme l’avait prévu Splingaerd, bénéficia de la présence même des ingénieurs belges sur les chantiers du vice-roi. Elle reçut en effet d’importantes commandes de matériel.

Mais toutes ces innovations furent-elle plus qu’un commencement ? « Le terrain est à peine débroussaillé », écrit De Deken en 1909 ; et il envisage tout un programme de travaux d’utilité publique, puis la création de diverses industries, qui tireront parti des ressources naturelles de la contrée. Il y a place, au Kan-sou, pour de nombreuses manufactures. Plusieurs projets nouveaux sont à l’étude, d’autres n’attendent que l’approbation de l’entreprenant vice-roi  pour être mis à exécution.

De Deken aurait-il manifesté un pareil optimisme un an plus tard ? Jamais, comme nous l’avons dit, on ne parvint à coordonner les diverses activités qui auraient assuré aux entreprises métallurgiques un rendement normal. La révolution de 1911 leur porta un coup fatal. Après le départ des cinq européens à l’automne de cette année-là, tous les ouvriers chinois furent congédiés et « la magnifique usine » laissée à l’abandon. Pour le P. Van Belle, ces troubles sauvèrent Jao-kai «  en offrant aux directeurs chinois de l’affaire, un moyen de mettre un terme à ces gâchis ». Jugement un peu simpliste, à moins que ce ne soit qu’une boutade !... N’y avait-il donc vraiment aucun espoir de réfréner les désordres qui nuisaient si gravement au rendement de l’entreprise ? On a peine à l’admettre.

LA BELGIQUE ET LA CHINE - RELATIONS DIPLOMATIQUES ET ECONOMIQUES (1839-1909) Par J.-M  Frochisse

 

 

Léo Van Dijck, CICM

Di Hua Chun en chinois

Le père Léo Van Dijck n'avait rien à voir avec les ambitions de Paul Splingaerd à Lanzhou, mais il se fait qu'il était Belge, parlant néerlandais et français, qu'il était le pasteur chrétien de Lanzhou, qu'il s'est impliqué dans cette nouvelle communauté de Belges à Lanzhou et qu'il y a participé. Très proche des gens de la filature car sa maison était très proche des murailles de celle-ci, il s'est trouvé être un excellent observateur à l'époque où Jean-Jeacques Muller était retourné en Belgique. Il a donc établi avec celui-ci une correspondance conservée dans le 'dossier Muller'. Il y manifesta son intérêt pour les efforts consentis pour l'établissement des nouvelles installations. Ainsi, à la manière de Tysebaert, il tient au courant Muller, dans son genre, des circonstances de la vie des Belge à Lanzhou pendant son absence. Il nous apprend des choses anodines comme le fait qu'il est désormais privé de la cure de Lanzhou au profit de son vicaire, et qu'il a des difficultés occasionnées par sa nomination comme fonctionnaire de l'Empire. Effectivement, il était professeur de français à l'Université de Lanzhou (créée en 1909) et qu'il était sans doute rémunéré; il était de ce fait nommé mandarin à bouton de cristal avec plume de paon, mais que son évêque ne semblait pas favorable à cette nomination. On du attendre le passage de l'évêque Otto à Lanzhou pour le persuader de la validité de cette nomination et de cet honneur. Nous devons supposer que cette affaire s'est arrangée ultérieurement, sans doute pour des raisons politiques, car on verra quelques photos où Van Dijck se présente avec un habit de mandarin avec un bouton sur le chef. Le bouton de cristal est le premier niveau de mandarinat.

Voici ce que nous avions déjà publié concernant Van Dijk précédemment ->


Une lettre de Van Dijck: 1 mai 1907, Cher Monsieur Muller....

Quelques mois plus tard, une autre lettre du Père du 5 novembre 1907; nouvelles: Geerts et Tysebaert sont rentrés de leur voyage aux frontières Thibétaines.....; on travaille toujours ferme à votre fabrique........

ou encore, le Père nous annonce l'arrivée des constructeurs du pont et nous donne son appréciation sur Van der Stegen fils, selon Tysebaert

 

Nous apprenons par d'autres lettres que le jeune Van der Stegen n'était pas spécialement apprécié. Il semble qu'il ait tenté de monter sur la tête d'Alphonse Splingaerd en se targuant de pouvoir embaucher des gens avec un salaire moindre que celui proposé par Alphonse. Sans commentaire sauf de se souvenir qu'Alphonse était fils de mandarin et qu'il connaissait les Chinois mieux que Van der Stegen et savait très bien ce que l'on pouvait faire ou ne pas faire, étant lui-même Chinois.

 

Leo Van Dijck jeune

Leo Van Dijk est né le 15 avril 1878 à Anvers. De 1890 jusque 1896 il était élève chez les Jésuites au Collège de Notre Dame (Frankrijklei). Ensuite il est entré dans la Congrégation de Scheut. Après le noviciat (1896-1897) et les premiers vœux (8 septembre 1897) il a étudié la philosophie pendant deux ans dans la maison mère de Scheut à Bruxelles (1897- 1899). Il a étudié la théologie (1899- 1902) au “ Collège philosophique et théologique ” des Jésuites à Louvain. Le 20 décembre 1900 il a été nommé responsable pastoral du 11ième régiment de ligne, stationné à l’époque à l’ancienne abbaye de Herkenrode à Hasselt (Belgique). Cette nomination spéciale pour fonctionner comme aumônier (“prêtre agréé”) de la garnison mentionnée, a précédé son ordination (le 13 juillet 1902).

Peu de temps après il est parti pour la Chine (15 septembre 1902) où la jeune congrégation était de plus en plus active depuis 1865. Après un an d’étude de la langue et de formation pastorale il a travaillé pendant 10 ans comme prêtre paroissial et professeur de français (1902-1912) à Lanzhou, la plus grande ville du vicariat du nord-Gansu. En septembre 1912 Di Hua Chun (V ft S: le nom chinois de Leo Van Dijk) a été rappelé en Belgique pour une année sabbatique.

 

https://www.kuleuven.be/verbiest/koerier/cv23d2

 

Après la guerre (en Belgique) où il s’était illustré» :

 

Retour en Chine

Leo Van Dijk et un groupe important d’aumôniers ont été relevés de leur tâche militaire et pastorale, probablement aux environs de juillet 1919. Il a demandé au Supérieur Général une permission écrite pour pouvoir continuer à entendre la confession pendant 6 mois dans les derniers camps chinois. Une épidémie de la grippe espagnole (mars 1918 jusque juin 1920) au milieu de 1919 peut avoir accéléré sa demande d’être rapatrié par Rouelles (Montvilliers) vers le territoire chinois estimé plus salubre. Ce n’est qu’en mai 1920 qu’il est parti effectivement. Arrivé à Gansu en septembre de la même année, il y a repris une tâche de prêtre paroissial à Ganzhou (“Kan-chou”) et Lanzhou, jusqu’en 1923. De sa main sont connu des peintures de scènes bibliques, où il visualise les bases de la foi catholique dans un contexte chinois. Ainsi il a contribué à l’inculturation de la foi catholique dans la vie locale à une époque de renouvellement missionnaire et missiologique au cours des années 20 et 30, lancée par les directives de la lettre apostolique Maximum Illud (1919). Leo Van Dijk est rentré en Belgique où il est décedé le 11 janvier 1951, à l’âge de 72 ans. Il est enterré au cimetière de la maison de repos de Scheut à Schilde (Belgique). Deux ans plus tôt il avait reçu la reconnaissance méritée des sacrifices qu’il avait faits pendant la guerre. Par une décision tardive du 12 mai 1949, 4 galons de front lui ont été accordés: un premier galon pour la première année complète de service militaire au front entre 1914 et 1915, et trois autres pour chaque six mois suivants entre juin 1915 et avril 1918.

 

 

 

Les gens du pont Sun Yat Sen de Lanzhou

Photo Bedeur

La construction d'un pont métallique, à la mode européenne car les Chinois de l'époque n'en avait pas la technologie, avait été proposée par Lin Fuchen à l'époque où il était conseiller du gouvernement du Gansu comme nous le savons, mais ce n'était pas une idée nouvelle. L'antique pont de bateaux qui reliait les deux rives avait fait son temps et les Chinois en devenaient de plus en plus conscients d'autant plus qu'ils avaient vus des ouvrages semblables qui avaient été construits beaucoup plus en aval et qui étaient parfaitement exploitables. Pourquoi pas également à Lanzhou, malgré son isolement à 1500 km de Pékin.

Il semblerait qu'une des missions données à Paul Splingaerd consistait à trouver en Belgique les moyens nécessaires pour une telle construction. Or, il n'en est rien. Jamais le gouvernement provincial du Gansu n'a demandé au mandarin de trouver des capitaux ou des ingénieurs pour fabriquer un pont. C'est une légende, malgré les différentes publications des journaux de Belgique. A croire que le vieux mandarin ait fait croire à son entourage qu'il était mandaté par le Chine pour trouver chez nous un entrepreneur pour fabriquer ce pont. Son voyage de retour en Chine fut très lent et il est probable que la Cour de Lanzhou ait été tenue au courant des manquements du mandarin dans cette affaire. A cette époque, le gouvernement du Gausu accepta les propositions de la firme Telge et Shroeter de Shanghai qui proposait une solution 'clé sur porte', où tout avait déjà été évalué, pensé, organisé et le contrat avec cette firme fut conclu 21 jours après la mort de Lin Fuchen (1906).

C'est ainsi que deux ans plus tard, arivèrent à Lanzhou les deux ingénieurs Robert Coltman et Deloo (dont on ne connait pas le prénom).

La lettre qui suit ne provient pas du dossier Muller. Elle est donnée ici à titre documentaire: lettre de Coltman vers le ministre des affaires étrangères de Lanzou. Date indéterminée de 1908.

Cette lettre tirée de l'iconographie d'un livre écrit en chinois sur l'histoire de la construction du pont Sun Yat Sen

Pour le reste, nous pouvons dire que cet américain et l'allemand semblent s'être intégrés à la colonie de Lanzhou. En tous cas, ils étaient présents lors du banquet offert par Geerts et Splingaerd au gouverneur Sheng Yu, décrit par Mannerheim. Ils étaient présents également à la fête qui a succédé au mariage de Pauline, où l'on voit tous les gens de la filature. Et également lors du mariage de Jean-Jacques Muller avec Pauline Splingaerd, à voir ci-après:

 

Les deux chinois de la filature sont bien visibles et ont déjà été vus sur d'autres photos mais nous ne connaissons pas leurs noms. Un autre chinois peu visible pourrait être le fils du viceroy, familier de Jean-Jacques Muller. Au bout à gauche, on distingue Henri Scaillet et son ami Guillaume Coutelier. Le R.P. Van Dijck se trouve à la gauche de Coltman. Le personnage inconnu devant Geerts pourrait être De Decken et celui qui est caché par Vahrenkampf pourrait être Tysebaert qui était à la fin de son contrat mais encore théoriquement à Lanzhou.

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Christian Goens - La Louvière - Belgium - avril 2014 - tous droits réservés

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