MANUSCRIT SANS SIGNATURE A PROPOS DE PAUL SPLINGAERD

Le document présenté est double : un document écrit en français à la main de 6 pages et le même document écrit à la machine de deux pages. C’est le même texte, l’un étant la recopie de l’autre ou inversement. Les différences sont mineures mais font penser à deux intervenants différents. La partie dactylographiée est pleine de coquilles ou de fautes d’orthographe. Certaines corrections ont été faites qui fait penser que la partie dactylographiée est antérieure à la scripturale, par exemple : Chantong au lieu de Shantung, aujourd’hui Shantong (province directement au sud du Petcheli (Beijin – Tianjin), Li-Hung-chang au lieu de Lihongchang, aujourd’hui Li Hongzhang, etc. Les documents qui doivent dater d’après 1907 sont disponibles aujourd’hui au Kadoc à Leuven sous les cotes A.IV.b.4.2 et A IV.b.2.4.2

The document is twofold: a document handwritten with 6 pages and the same machine written two pages. This is the same text, one being the copy of the other or vice versa. The differences are minor but suggest two different players. Part typed is full of typos or misspellings. Some corrections have been made suggesting that the party is typed before the scriptural example: instead of Chantong -> Shantung today Shantong (province directly south of Petcheli (Beijing - Tianjin), Li-Hung-chang -> Lihongchang today Li Hongzhang, etc.. Documents must be dated after 1907 is available today in Kadoc Leuven in documents A.IV.b.4.2 and A IV.b.2.4.2.

Paul Splingaerd était garçon brasseur à Scheut  (1) lorsqu’en 1865 il partit comme domestique avec les trois [sic->4] premiers missionnaires de Scheut pour ouvrir des missions en Mongolie.

Son chef le R. P. Verbist, étant mort en 1867, il décide de retourner en Belgique (2), s’arrête pendant quelques jours à Péking chez un ami, domestique à la légation d’Allemagne(3). Pendant qu’il y séjourne, arrive le fameux géologue, baron von Richthofen, qui revenait de la province chinoise du Chantong (4), qu’il avait dû quitter à cause de l’hostilité de la population. Von Richthofen ayant annoncé au ministre d’Allemagne sa décision de retourner en Europe (5), le ministre lui conseille de rester en Chine, pour continuer ses explorations en s’adjoignant un jeune belge débrouillard au possible et qui est en ce moment de passage à la Légation.

Ayant accepté la proposition du ministre, le Baron accompagné de Paul Splingaerd, entreprend, avec le plus grand succès pendant trois ans, des voyages d’exploration dans les provinces du nord de la Chine.

Après que von R. est retourné en Allemagne, Paul est nommé chef du bureau des douanes à Suchow (6), ville située au Kansou, à la frontière du Turkestan chinois. Il y séjourne 17 ans [sic : 14 ans], épouse une chrétienne chinoise et revient à Tientsin, où il est employé chez Chang-Yin-mao, directeur des mines de charbon situées à Kaiping, alors encore aux mains des Chinois.

Le directeur général Chang-Yin-mao adjoint alors Splingaerd à un belge, M. Geerts (7), qui est chargé par le gouvernement chinois d’aller visiter les exploitations d’alluvion aurifère en Mongolie et au Chantong.
A son retour de ce long voyage (8), il est engagé, à Tientsin par le colonel  Fivé et un diplomate, chargés tous deux d’une mission par le roi Léopold II. Ce diplomate représentait l’Etat Indépendant du Congo : par suite d’intrigues diplomatiques à Péking, il ne parvenait pas à se faire recevoir par le fameux Li-Hung-chang, ministre des Affaires Etrangères. Paul, qui connaissait de longue date le vice-roi Li-Hung-chang avait, à plusieurs reprises essayé de faire recevoir le diplomate belge, mais en vain. Las d’attendre, le diplomate demanda à Paul de faire une dernière démarche. Li-Hung-chang disait à Splingaerd « Après tout, la Belgique n’est qu’un petit pays. » – Splingaerd répondait immédiatement : « Excellence, c’est vrai, mais permettez-moi de faire une comparaison : sur votre bonnet, je vois une pierre qui a une grande valeur, et elle est petite cependant ».

2 eme page du document dactylographié

Li-Hung-chang, interloqué par cette judicieuse remarque, répondit : « Dites au duc que je le recevrai demain matin. » (9)

Paul avait eu gain de cause, et le duc lui en fut bien reconnaissant.

Ensuite Splingaerd accompagne le colonel Fivé dans la Province du Kansou. Mais, après quelques mois de séjour  là-bas, la révolte des Boxers éclatait à la côte, et la mission Fivé se sauve par la Mongolie pour retourner en Europe par le Transsibérien. Splingaerd reste quelque temps à Ourga, capitale de la Mongolie, et revient ensuite à son poste à Tientsin. Puis, il retourne au Kansou, (10) et à la demande du vice-roi de cette province, il se rend en Belgique, pour engager du personnel afin 1) de remettre en marche une ancienne fabrique de drap installée à Lantchéou (Lanzhou), capitale du Kansu, il y a 35 ans par des Allemands, et 2) pour faire des recherches minières (cuivre et or). (11)

Il arrive à Bruxelles en mars 1906, ville qu’il avait quittée il y a 41 ans. Accompagné de M. et Mlle Geerts, et de leur neveu âgé de 8 ans ½, et MM. Muller et Thysebaert, il repart le 20 mai 1906, pour la Chine.

Après un voyage des plus pénibles, à cause des fortes pluies qui avaient détrempé les atroces routes chinoises, la caravane s’arrête à Singanfou, (X’an) la capitale de la province du Chensi (Shaanxi), où Splingaerd, dont l’état de santé avait déjà inquiété son entourage depuis quelques temps, tombe sérieusement malade. On s’était installé dans une maison (12) pour attendre la guérison de Splingaerd, mais le 26 septembre, il succomba, âgé de 66 ans.

Après les funérailles, célébrées à l’église de la mission franciscaine de Singan, la caravane continue son voyage vers le Kansou, et arrive dans la capitale Lanchéou le 20 octobre, le voyage de Bruxelles au Kansou avait duré 5 mois !

En 1907, le corps de Splingaerd a été conduit à Péking, où l’enterrement eut lieu.(13)

COMMENTAIRES

Le commentaire le plus intéressant se trouve écrit au crayon sur la seconde page, en bas.

Il est écrit : « Edmont Hérinckx, 156 rue Léopold I à Bruxelles (II) » et sur le côté : « Il a assisté à la mort de P. Spl. »

On ne sait qui il est mais il n’y avait pas d’autres européens à X’ian en 1906 autour de Splingaerd que ceux de la caravane, la famille et les prêtres qui ont assisté Splingaerd lors de sa mort, qui étaient (d’après le présent document) des Franciscains. Ce texte, parfois imprécis aurait-il été rédigé par le nommé Hérincks, soit de sa main soit par interview. En tout cas, l’auteur (qui écrit en français) semble connaître partiellement la vie du général en omettant beaucoup tout en donnant des détails très précis que presque personne ne connait (comme l’âge de Lucien Geerts , le nom des autres voyageurs….) ce qui porterait à croire que cet auteur était bien à X’ian en 1906 en même temps que la famille Geerts.

OBSERVATIONS DU WEBMESTER SUR CE TEXTE

Comme il est anonyme et sans date, l’historien aurait tendance à écarter ce document.

Cependant, comme il peut observer un certain nombre de détails troublants ou pertinent, il se doit de faire un certain nombre de remarques.

Voici la liste des renvois du texte :

(1) Paul Splingaerd était garçon brasseur à Scheut.  C’est la première fois que l’on peut lire cette remarque qui ne semble pas fondée. Même si l’on sait que Splingaerd était habile et pouvait faire de la bière « meilleure qu’à Louvain », il est évident que lorsqu’il a rejoint les futurs missionnaires à Scheut (Anderlecht), ce n’était pas pour y faire de la bière !

(2) 1867, il décide de retourner en Belgique. Cette réflexion paraît logique mais n’a jamais été écrite par d’autres auteurs. Il n’y a qu’un moment où Splingaerd a manifesté son désir de retourner en Europe, c’est lorsqu’il était à Ourga (Ulan Bator).(1900)

(3) un ami, domestique à la légation d’Allemagne : il s’agit de Laurent Franzenbach qui avait été domestique à Siwanzé. L’auteur ne dit rien des activités de Paul à Péking ni de son aventure lors d’un transport de fonds

(4) von Richthofen, qui revenait de la province chinoise du Chantong : il faudrait relire les ‘carnets de voyage’ de Von Richthofen pour en être convaincu.

(5) sa décision de retourner en Europe.  idem que précédemment

(6) Paul est nommé chef du bureau des douanes à Suchow  (Lire Suzhou). L’auteur élude une phase importante de la vie de Splingaerd, c'est-à-dire l’époque où il était commerçant en Mongolie et Petcheli pendant 7 à 8 ans

(7) adjoint alors Splingaerd à un belge, M. Geerts.  Cela, c’est nouveau et très intéressant. Nous savions que Paul Splingaerd, à l’époque de 1903-1905, avait sollicité, via les CICM, à ce que Robert Geerts vienne au Gansu pour l’aider et qu’il semblait bien qu’ils se connaissaient. Mais nous ne savions pas comment.  Dans cette optique, nous pouvons accréditer le récit. Geerts parlait chinois et était de la première caravanne. Il a été jusqu’au Tibet pour ses observations.

(8) A son retour de ce long voyage. Voilà qui est fait : ils avaient déjà travaillé longuement ensemble dans la période 1986 à 1899 dans le cadre de leurs activités comme agents des Mines de Kaiping et sous la direction de Chang-Yin-mao.

(9) « Dites au duc que je le recevrai demain matin ». Le diplomate en question est le comte Charles d’Ursel. Il n’était pas duc.

(10) Puis, il retourne au Kansou. (1905). L’auteur passe sous silence les activités de Paul Splingaerd lors de la période post-boxers comme juge itinérant et général de brigade. Il faut dire que cette période a été courte. Mais avant de se retrouver au Gansu, Paul Splingaerd a eu beaucoup d’autres activités.

(11) faire des recherches minières : il n’est pas question de pont comme d’habitude ; c’est mythe.

(12) On s’était installé dans une maison. C’est une observation intéressante et plus que probable. En effet, la caravane était composée de nombreuses personnes particulièrement après que les Belges aient rejoint la caravane de Paul Splingaerd qui avait fait un détour par Péking.

(13) En 1907, le corps de Splingaerd a été conduit à Péking, où l’enterrement eut lieu. On ignore s’il y eut une inhumation provisoire ou simplement si les restes mortels du mandarin avaient été conservés dans un coffre dans la rue ou dans une cour,  selon la manière chinoise telle qu’elle nous est bien contée dans le manuscrit d’Alfred Blondel.

 

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