AUGER POURBAIX

(1656-1754)

Maître des fosses au charbon

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Quel pouvait être ce projet qui nous fait connaître Auger Pourbaix en qualité de maître des fosses au charbon et le fait entrer dans l'histoire? Malgré l'intérêt que beaucoup de familles actuellement vivantes y portent, nous préférons ne plus nous étendre sur le sujet et nous renvoyons aux lignes qui suivront et à la bibliographie classique traitant de la chose ou à notre propre ouvrage.

Lorsque, âgé d'environ vingt-neuf ans, avec ses compères charbonniers Charles SIMON et Simon BLANQUET, il signe avec leurs co-partenaires financiers, en 1685, à Mons, le contrat concrétisant leur projet d'établissement d'un conduit souterrain permettant d'assécher les veines au charbon en exploitation sur la juridiction de Houdeng (Aimeries), il signait en même temps le contrat de constitution d'une société de charbonnage qui allait prévaloir pendant deux cent cinquante ans dans la société du grand Conduit, qui deviendra la société de charbonnage de Bois-du-Luc.(). Cette société qui, la plus ancienne et une des plus puissantes, allait en générer d'autres du même type et donner ce formidable essor industriel et social qui valorisera la région de La Louvière au dix-neuvième siècle.

Grâce à l'implantation d'industries consommatrices de charbon et des routes qu'elle fit tracer, ainsi qu'à la population qu'elle attire, la société des charbonnages de Bois-du-Luc fut un élément moteur, innovateur et initiateur dans la région du Centre.

Aujourd'hui que ladite société a terminé son épopée industrielle (1974), elle se souvient sans doute, avec les descendants rattachés, de cet homme peu commun, né vers les années 1656, qui devait être vraisemblablement d'une force physique et morale peu ordinaire, né sans doute sur le sol où gît à jamais son œuvre.

Ses descendants continuèrent à gérer ou diriger l'entreprise dont il était le co-créateur et le co-propriétaire, ceci pendant plus de cent cinquante années. Ou bien, à en extraite la houille, jusqu'à nos jours.

Nous ne voulons cependant pas faire du charbonnage de Bois-du-Luc une figure anthropomorphique du personnage d'Auger Pourbaix. Il faut se souvenir des autres personnages: le DANOIS DE NEUCHATEL, maître et seigneur des lieux et aussi, de Simon BLANQUET, de CAUPAIN, de LEGOEULLE, de NAVARE et de BLAREAU, lesquels étaient ses co-partenaires à l'origine; se souvenir de ceux qui ont vécu le charbonnage: commanditaires, personnel de cadre et houilleurs à qui nous rendons un légitime hommage, qui ont défilé au long des décennies et même, dans le cas exceptionnel de l'histoire de ce charbonnage, au long des siècles.

 

A son décès en 1724, la fortune d'Auger Pourbaix était constituée essentiellement par ses parts de fondateur du charbonnage. Parts qu'il avait conservées et qui étaient de un dixième de l'avoir social. En vertu de son contrat de mariage ou de son testament, et sous l'empire des lois coutumières en la matière appliquées dans le comté de Hainaut, la veuve de secondes noces détenait usufruit et nue-propriété. Après la mort d'Auger, une dissension familiale survint directement entre les enfants du premier lit et ceux du second, entre les jeunes et les vieux; il y avait plus de vingt-cinq ans entre l'aîné et le benjamin. Nous avons connaissance d'un arrêt de la Cour Souveraine du Hainaut en date du dix juillet 1726 relative à une affaire concernant la succession d'Auger. Nous possédons également une pièce concernant une apuration (épuration) de rente où les neuf enfants forment encore deux clans bien séparés. Cette rente était relative à une dette contractée par la veuve Pourbaix en 1728 et 1729, époque où il avait fallu trouver de l'argent pour la création du second conduit. Le rachat de cette dette fut effectué en 1741 à PLUNCKETT de RATHMORE () (plus de 800 livres avec les intérêts dus).

Auger Pourbaix est décédé à l'âge de soixante-huit ans et il fut inhumé au cimetière de Houdeng sans aucun signe apparent de notoriété. Nous n'avons pas la moindre idée concernant un quelconque monument, mausolée, cénotaphe ou sépulture digne de franchir les siècles. Ses cendres reposent à jamais, mélangée à cette terre d'Houdeng, avec des petits cailloux noirs brillants constitués de charbon.

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Quant à l'ascendance d'Auger, elle reste basée sur une certaine spéculation en raison du manque d'ancienneté des registres paroissiaux de la paroisse d'Houdeng (Aimeries) et du manque de documents communaux, de cour féodale, etc. et de la carence de l'institution du notariat. En vertu de la transmission des biens de main ferme, il était plutôt fondé de penser que le père d'Auger était un Jean. Mais en raison des travaux de René Demarcq et de l'avis de Franz Van Helleputte, la meilleure hypothèse semble que ce père serait un André, époux de Jacq(ues) Marguerite, et pour lesquels nous connaissons au moins deux autres enfants: Catherine, née le 03/01/1647 et Henri, né le 17/04/1643. Ils sont nés à Houdeng-Goegnies. Le couple se serait ensuite installé à Houdeng-Aimeries, ce qui explique que l'on ne connaisse pas les autres enfants et il y en aurait de nombreux car, si l'on admet qu'Auger fait partie de la liste de leurs enfants et qu'il soit né vers 1656, il y a certainement "de la place" pour trois autres enfants, sans compter ceux qui seraient nés après 1656. Antoine, l'auteur du chapitre 3 pourrait en être ainsi qu'un Jean, censier du Croquet. Auger fut parrain à une des filles d'Henri (Marie Jeanne). Quant à André, il semblerait qu'il ait bien eu au moins un frère du nom d'Adrien, dont la fille Hélène était cousine germaine d'un Antoine et d'un Jean Pourbaix, tous deux du Croquet. Si cette hypothèse de filiation se consolide, elle prendrait une importance tout à fait remarquable car elle permettrait de prouver la transition entre les ressortissants 'de Pourbaix' vers les Pourbaix. En effet, dans les registres paroissiaux de Goegnies, André est toujours 'de Pourbaix'. Voir par exemple le baptême de Catherine de 1647.

4Registres des baptêmes de Goegnies, A.E.Mons, fonds 2.

 

Sauf Louis (senior), tous les enfants d'Auger restèrent en Houdeng en leur qualité de co-propriétaire de la mine et par le fait qu'ils y étaient employés. Mais les petits-enfants commencèrent progressivement à se disperser, leur part de la mine s'amenuisant, leur notoriété à l'avenant. Une partie particulièrement importante de ces descendants restèrent cependant des locaux et ils y sont toujours, trois cents ans plus tard.

Ainsi fut fondée la première souche du Roeulx, le première souche de Soignies, la première souche de Mignault, la première souche de Lessines, la première souche de Binche, la seconde souche du Roeulx, la première famille de Thieu et plus tard, l'établissement à Bruxelles et autres lieux.

Petites remarques concernant la fortune d'Auger Pourbaix

Par le fait de la destruction des actes d'hommes de fiefs collectés depuis la création des Archives de l'Etat, ainsi que de la destruction de la plupart des actes des fermes communaux, nous ne possédons pas dans le Hainaut ces références que l'on utilise aussi fréquemment que possible lorsque l'on travaille dans d'autres provinces. Il s'ensuit que nous connaissons mal l'état de fortune d'Auger Pourbaix. Nous grappillons au hasard les deux qui suivent, qui prouvent au moins qu'il tenait des biens. Le premier ne le concerne pas directement, mais montre une pièce de terre jouxtant une de ses propriétés.

1 - acte 19/02/1710, notaire Fauconnier, N° 457, f° 22 recto, au Roeulx, A.E.Mons:

....Auger FIESVEZ aura ....une maison.....gisant.....tenant ....et à Auger Pourbaix de ses hoirs Henry Pourbaix.

2 - acte N° 337 du 28/02/1708, archives notariales A.E.Mons, notaire Fauconnier, N° 455.

Vente en arrentement à Auger Pourbaix. A.E.Mons, archives notariales N° 455; notaire Fauconnier; 28/02/1708. La partie représentée est la fin de l'acte.

Il s'agit d'une vente en arrentement perpétuel de Jeanne DUFOND, femme de Jean ANTHOINE, à Auger Pourbaix, d'un demi bonnier de pâture à Houdeng, tenant aux Warissaix, au près Bronniau, au Rieu, et audit Pourbaix, pour 35 livres l'an de rente à payer à ladite DUFOND, sans compter la rente due au Seigneur (qui n'est pas cité).

L'arrentement perpétuel est une sorte de bail emphytéotique, à ceci près que le droit d'héritage est transmissible mais la rente seigneuriale reste due et est passée au nouvel acquérant. Cet acte est difficile à lire.

L'acte a pour nous deux significations: Auger se rend acquéreur d'un pré et celui-ci jouxte un de ses héritages qu'il tient d'Henry Pourbaix.

Auger Pourbaix marie deux de ses enfants

Nous possédons deux contrats de mariage qui concernent des enfants d'Auger, et où il est forcément impliqué. Ils sont tous les deux de la même année, mais passés chez deux notaires différents.

Le premier concerne son fils Jean-Joseph, le second son fils Louis.

1 - Premier acte de mariage

Jean-Joseph Pourbaix épousera Marie Nicole SIMON à Houdeng le 20 janvier 1709. Il était né le 19 mars 1686, troisième garçon d'Auger Pourbaix, maître des fosses. L'acte est passé le 11 janvier 1709 chez le notaire Fauconnier de résidence au Roeulx.

Auger leur donne 100 livres et deux milles de charbon (unité de volume) que son fils doit venir chercher à la fosse. En fait, la somme d'argent n'est pas très considérable, mais elle représente environ trois ou quatre mois de travail d'un maître. Quant à la donation du charbon, c'est une chose assez extraordinaire, bien que non exceptionnelle. Auger agit tout à fait comme si ce charbon lui appartenait et pour qui connaît l'histoire du charbonnage, il remarquera que ce geste de grand seigneur, lui seul pouvait le poser; après lui, ce genre de libéralité n'existera plus jamais, même quand ses fils (les petits maîtres) tenterons de reprendre la place qu'il occupait, après son décès.

La mère de Marie Nicole, Marie THOMAS, veuve de Charles SIMON est accompagnée de Jacques SIMON, son fils et frère de la future. Charles SIMON est l'ex-partenaire de BLANQUET et d'Auger pour la création du charbonnage du Grand Conduit, en 1685.

La mère donne une vache à choisir entre deux, une paillasse, deux paires de draps et une couverture de 15 à 16 livres, ainsi que des petits meubles. Charles SIMON avait déposé un testament chez le même notaire en 1705, mais ce dernier fut brûlé lors de l'incendie arrivée au Roeulx le 27 juin 1706.

Le garçon SIMON héritera d'un bien à Goegnies et Marie Nicole d'une maison et un demi bonier d'héritage également situé à Houdeng-Goegnies. La mère cède les dits biens, à charge des enfants de payer les rentes dont sont chargés ceux-ci; ils devront subvenir en moitié à son entretien et l'inhumer selon "son petit état". Elle donne le reste de ses bestiaux et meubles qu'elle possède encore à son fils Jacques SIMON. L'acte se termine sur une donation réciproque au dernier vivant entre les futurs époux. Avec la houblonnière de surface inconnue que la veuve SIMON se réserve en viager, voici donc toute la fortune qu'a laissée feu SIMON. Comme à l'époque, il n'y avait pas de procédure d'enregistrement, l'évaluation totale des biens cédés n'est pas effectuée.

On aura remarqué que cet acte revêt un quadruple aspect: il est non seulement un contrat de mariage, mais également un testament conjonctif, une revalorisation d'une pièce notariale disparue et un avis de père et de mère où les formortures des enfants sont réglées.

On connaît neuf enfants issus de ce mariage de Jean-Joseph Pourbaix avec Marie Nicole SIMON, ce que l'on peut voir en détail dans la généalogie. Ils retiendront en principe 1/9 du 1/9 du 1/10 de part sociale de la société charbonnière de Bois-du-Luc que le maître créateur laissa à ses héritiers.

2 - Second acte de mariage

Il s'agit d'une pièce dressée par le notaire royal héréditaire Soil de Soignies.

Louis Pourbaix est issu des premières noces d'Auger avec Jacqueline RENCHON. Louis senior, qui est né en 1682 est veuf lui-même de Marie Joseph WADIN. Louis, qui épousera à Soignies le 17 avril 1709 Louise Joseph AUDIN, décide de s'installer dans cette ville, quittant définitivement le milieu des charbonniers puisqu'il sera cité successivement maréchal-ferrant, marchand et bourgeois de la ville où lui sont nés ultérieurement huit enfants. Les deux futurs sont âgés tous deux de vingt-sept ans; Auger, ainsi que Guillaume AUDIN et son épouse Marguerite DELFEVIERE, parents de la fille, sont présents.

Les parents AUDIN ont retenu apparemment deux filles à doter, dont l'autre, Marie est femme d'un Jean SCRINNIER. Cet acte revêt en plus un caractère d'avis de père et de mère, puisqu'ils déclarent vouloir donner la moitié de leurs biens à l'une et l'autre des filles après le décès du survivant d'eux. Le contrat de mariage est aux acquêts, avec donation et usufruit au dernier vivant, de tous biens, avec dispense d'inventaire.

Une note marginale signale que le bien de part et d'autre est estimé à 350 livres, ce qui est environ l'équivalent du salaire d'un maître maçon ou charpentier, pour une année. Ceci signifie que, en fait, les époux apportent eux-mêmes à la communauté des biens, soit en immeubles, argent et meubles. En fait, Auger ne leur donne donc rien directement; il aura déjà pourvu son fils lors de ses premières noces et s'en tient donc là.

A la fin de l'acte, on voit les signatures des différents partenaires. Cet acte est important parce que c'est le seul document qui puisse nous prouver que la souche de Soignies est descendante d'Auger Pourbaix.

 

voir suite 2

Chistian GOENS, 2002, La Louvière. Tous droits réservés.